Art Press

Tristan Garcia

- Aliocha Wald Lasowski

Grasset, 304 p., 19 euros Suite à la tragédie du 7 janvier 2015 et aux attentats contre le journal satirique français, « Je suis Charlie » ou « Nous sommes Charlie » est devenu le témoignage d’un élan fraternel de solidarité, slogan des voix qui s’élevèrent contre la barbarie terroriste. Mais qui est ce « nous » ? De quel type d’appartenan­ce relève-t-il ? Et, à l’inverse, qu’est-ce qui n’est pas nous? Épineuse et complexe question, que relève haut la main le philosophe Tristan Garcia, dans sa réflexion, au coeur de son nouvel essai sobrement intitulé Nous. Mobilisant des références qui vont du grand nous de l’humanité, qu’on peut lire chez Érasme, La Boétie ou Montaigne, jusqu’à la devise « We are the 99 % », utilisée en août 2011 sur un flyer d’un meeting du mouvement Occupy Wall Street à New York, en passant par le cri de ralliement « Nous sommes tous des juifs allemands », en soutien à Daniel CohnBendit, en mai 1968, Tristan Garcia analyse la fragmentat­ion de l’espace sociocultu­rel et la recomposit­ion des identités collective­s. Retraçant l’histoire des domination­s et des résistance­s, son passionnan­t essai fourmille d’exemples empruntés non seulement aux revendicat­ions sociales et sexuelles, communauta­ires et ethniques, mais aussi à la contrecult­ure musicale et picturale et aux avant-gardes esthétique­s et philosophi­ques. Ainsi, comme le « nous, femmes » du féminisme, le « nous, Noirs » de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis a permis de passer d’une invisibili­té subalterne à la défense d’une liberté, à l’image d’un James Brown chantant sur scène « I’m black and I’m proud ». On le voit, du début à la fin du livre, l’enjeu de Nous est l’invention politique d’une nouvelle subjectivi­té pour « nous » faire tenir ensemble, contre les divisions et les déchiremen­ts.

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