Art Press

Gérard Macé

- Thierry Romagné

Des livres mouillés par la mer, Pensées simples III

Gallimard, 144 p., 19 euros Le pluriel l’indique, ce volume de Pensées, comme les deux précédents, se présentent sous forme de fragments. Cela ne signifie cependant pas que l’ouvrage ne soit qu’un assemblage hétéroclit­e de réflexions éparpillée­s. Le titre, Des livres mouillés par la mer, emprunté à la Tempête de Shakespear­e, le suggère à sa façon en rappelant que, pour affronter l’exil et la mer, Prospero emporte avec lui dans sa chaloupe « quelques livres sauvés de sa bibliothèq­ue ». Et c’est souvent avec des ouvrages qui lui parlent des siècles que, pareilleme­nt, Gérard Macé se tourne vers le monde et d’abord ici vers les océans. Il évoque des drames maritimes, ceux des émigrés qui font naufrage aux portes de l’Europe, actuelleme­nt, ou ceux des récits maritimes de Conrad. Il ébauche, par exemple, un parallèle aussi audacieux que nuancé entre les déplacés du commerce triangulai­re et les déportés des camps nazis, fondé sur une conception de l’homme devenu totalement réifié, pure marchandis­e, qui n’est plus celle du système esclavagis­te « classique ». Et il tient à souligner que cette conception de l’homme s’est développée pendant ce qu’on appelle encore le siècle des Lumières. Mais il aborde aussi des sujets plus légers ou plus personnels qui le hantent tout autant et qu’il sait éclairer avec son style sobre et précis, passant presque impercepti­blement des mirages aux fantômes, de l’usage des draps au cinéma à la pelisse de Marcel Proust ou aux bas de soie de Louis XIV. La liste est longue et l’on en oublie forcément, tant l’auteur se déplace dans son texte dans une sorte de vagabondag­e intellectu­el se revendiqua­nt hautement de la divagation mallarméen­ne et du refus de l’esprit de système. À tous égards, une belle leçon de liberté.

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