Flatland / Abstractions narratives #1
Musée régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées / 6 novembre 2016 - 19 février 2017 Réalisée par deux commissaires, Sarah Ihler-Meyer et Marianne Derrien, l’exposition réunit une trentaine d’artistes de nationalités et de générations différentes qui ont pour point commun d’associer des pratiques abstraites à des processus narratifs. Si des oeuvres d’artistes historiques sont présentes – John McCracken, Peter Halley, Fabio Mauri –, l’exposition met surtout en perspective les démarches de jeunes artistes autour de cette thématique. Réparties en trois salles, les oeuvres sont associées selon leurs formes, principalement géométriques, leurs couleurs et leurs matériaux à des amorces de récits fictionnels, à une circulation et une hybridation des formes qui vont de l’histoire de l’art à la science-fiction, et enfin à une relecture critique des utopies modernistes. Les oeuvres se révèlent ainsi être des « embrayeurs » de discours qui excèdent la simple présence physique de l’objet. Dans une période où l’on s’interroge sur l’actualité de l’abstraction, l’exposition montre la persistance et les évolutions d’une création qui associe, depuis les années 1980, formes abstraites et discours. Ces oeuvres d’une nouvelle génération d’artistes tendent en effet à renouveler une stratégie de la postmodernité en intégrant le récit à l’intérieur de la production des formes. Blair Thurman, par exemple, situe le récit en amont de l’oeuvre, dans son processus de production. Il puise ses formes abstraites dans la culture du tuning et des circuits de voiture. De même, Wilfrid Almendra utilise, pour produire des reliefs minimalistes, des matériaux récupérés sur des chantiers de maisons en construction. Le récit émerge alors de l’écart entre la chose vue et ce qui la constitue. À l’inverse, les volumes de Julien Nedelec sur des socles évoquent autant la sculpture que des vestiges archéologiques, traces mystérieuses d’une origine inconnue qui ouvrent à toutes les interprétations. Parmi les éléments hétérogènes, les formes des avant-gardes prélevées de manière fragmentaire occupent une place majeure. Cette récurrence ne se réduit pas à une relecture critique ou à une mécanique citationnelle, elle témoigne plutôt d’une volonté de se réapproprier l’Histoire à travers des histoires singulières ou collectives, entre fiction et réalité de la culture de masse contemporaine. Il ressort des termes d’« abstraction narrative » moins une nouveauté qu’un questionnement nécessaire sur la place des récits aujourd’hui, sur la manière, pourrait-on dire en paraphrasant Marcel Duchamp, dont les discours font les oeuvres. L’exposition interroge aussi le statut du locuteur de ces récits : de l’artiste au regardeur, en passant par l’exposition elle-même, les frontières sont mouvantes. L’exposition concomitante d’un dépôt d’oeuvres du CNAP sous le titre la Promenade – emprunté au récit de Robert Walser – offre, sur un mode différent, un prolongement intéressant à cette réflexion. Curated by Sarah Ihler-Meyer and Marianne Derrien, this show features some thirty artist of different nationalities who all combine abstract practices with narrative processes. While some of them are historical figures—John McCracken, Peter Halley, Fabio Mauri—the focus is mainly on young artists. Set out in three rooms, the works are associated by their shape (most are geometrical), color and materials with elements of fictions, with a circulation and hybridization of forms that goes from art history to science fiction and, finally, to a critical rereading of modernist utopias. Beyond their physical presence as objects, these works are shifters of discourse. At a time when the relevance of abstraction is being reconsidered, this exhibition shows the continuation and development of work that, since the 1980s, has combi- ned abstract form and discourse. The new generation of artists featured here are thus revisiting the post-modernist strategy of introducing narrative into form. Blair Thurman, for example, locates narrative as something prior to the work, part of the process of its production. He takes his abstract forms from the culture of tuning and racing circuits. In a similar way, Wilfrid Almendramakes his minimalist reliefs from materials recuperated from construction sites. Here, the narrative element arises from the discrepancy between the thing that is seen and what constitutes it. Conversely, as well as sculpture, the volumes that Julien Nedelec places on pedestals evoke archeological remains, mysterious traces whose origin is unknown and that allow all kinds of interpretation. Among these heterogeneous elements, avant-garde fragments are very much to the fore. This recurrence does not simply equate with a critical rereading or a mechanics of citation; rather, it points to a desire to reappropriate history via individual and collective stories, between the fiction and reality in contemporary mass culture.
Translation, C. Penwarden