Art Press

C. Déniel et M. Vappereau (dir.)

Artavazd Péléchian. Une symphonie du monde Yellow Now, 176 p., 25 euros

- Pascal Convert

Comme le rappelle Jean-Michel Frodon dans son texte « L’invention de Péléchian », c’est dans la petite salle de projection de la Galerie nationale du Jeu de Paume, au printemps 1992, que le public français a pu découvrir l’oeuvre d’Artavazd Péléchian. Nous étions quelques-uns, souffle coupé devant ce cinéma qui nous mettait au bord d’une falaise d’émotions, à cet endroit où, selon les propres mots de Péléchian, « l’homme est plus grand que la langue, plus grand que ses mots », où l’homme s’absente de sa raison et plonge dans le cosmos du monde. Compilant des articles signés par des critiques cinématogr­aphiques prestigieu­x, Serge Daney, Dominique Païni, François Niney, Frédéric Sabouraud, et des textes d’auteurs moins connus mais ayant étudié en profondeur les questions de montage comme Myriam Semerjian, l’ouvrage publié par Claire Déniel et Marguerite Vappereau est d’autant plus précieux que la diversité des regards rend parfaiteme­nt compte de la manière dont cette oeuvre échappe à la clôture. Il peut sembler excessif d’utiliser le terme d’oeuvre pour un cinéaste qui n’a réalisé qu’une douzaine de courts ou moyens métrages, quelqu’un dont un proche, Serge Avedikian, regrette qu’il n’ait « pas voulu comprendre l’Europe, le capitalism­e, la démocratie ». Refusant des conditions de production qui se résument à des colonnes de chiffres, Artavazd Péléchian a préféré s’absenter plutôt que de donner à l’écran la forme d’un carnet de chèques. Ses derniers films, éloquemmen­t titrés Fin et Vie, ouvrent à un nouveau monde et, face au mont Ararat, suspendu dans le vide, à cet endroit où se serait posée l’arche de Noé, Artavazd Péléchian a filmé une chose unique : l’humanité renaissant­e.

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