Paul Ardenne
Heureux, les créateurs? La Muette/ Le Bord de l’eau, 272 p., 25 euros
Dans son dernier ouvrage, Heureux, les créateurs ?, Paul Ardenne poursuit sa réflexion, dont Art, le présent (2009) fut un des jalons, sur la création et la situation des artistes. Il dresse le constat d’un art contemporain faisant désormais largement consensus et d’une instrumentalisation de l’artiste, devenu parfois un simple « outil » pour les différents acteurs de ce milieu. Le livre regroupe vingt-six textes et conférences, classés en cinq thématiques: les artistes, l’espace public, la médiation, la globalisation et la dimension politique. Malgré l’éclatement du discours, un fil conducteur traverse l’ouvrage : les mises en garde contre un « contrôle institutionnel », selon lui presque omniprésent, et une tendance au divertissement, tout sauf émancipateur. Cependant, ce n’est pas là que réside l’intérêt de ce nouveau livre, mais bien plutôt dans la tension, qui s’affirme au fil de la lecture, entre une dénonciation alarmiste et pessimiste de toute forme d’autoritarisme et, en parallèle, l’évocation plus diffuse des résistances à cette même situation, bel et bien présentes. On retiendra le chapitre abordant la question de la « frontière », dans lequel l’auteur mentionne les oeuvres – subversives – qui s’inspirent de l’opposition entre le développement de la libre circulation commerciale et la persistance physique des frontières politiques, tel ce Mur fermant un espace présenté, en 2003, par Santiago Sierra dans le pavillon espagnol de la Biennale de Venise. À relever également, l’idée que la création la plus intéressante est peut-être celle qui surgit loin des « épicentres présumés de la création artistique glorieuse », ainsi dans le tunnel de Poincheval et Tixador. Non pas une reprise en main du « système » par les artistes, mais l’invention de ce qui peut exister ailleurs.