genres Uniques en leurs
Galerie Christophe Gaillard / 19 novembre - 17 décembre 2016
Sous l’égide d’Hans Bellmer, Michel Journiac et Pierre Molinier, cette exposition offrait une réflexion plurielle et passionnante sur la question du genre, la sexualité dans l’espace privé et public, l’érotisme. Peintures, dessins, sérigraphies, photographies s’y mêlaient pour articuler, aussi, un propos sur l’époque. Avec sa série des Nudes, captant sur internet des vignettes pornographiques de faible résolution, Thomas Ruff produit des images en grand format dont le flouté et la texture infléchissent le pornographique vers l’érotique. Une démarche assez proche de Betty Tompkins, dont les Fuck Paintings érigent en paysages érotiques grisés des close-up d’images très crues, ainsi des pénétrations en plan très rapproché. Dans le sillage de l’esthétique pop, Joan Rabascall déconstruit des photographies déjà abîmées puis photocopiées, très loin de l’image hard initiale, et Hélène Delprat signe de grands formats picturaux, entre féerie et cauchemar, avec la récurrence de motifs obsessionnels : faunes, satyres, chaînes, têtes de poupées gonflables – samplant ainsi cinéma et imagerie populaire. Une découverte, enfin, une « pépite » : l’oeuvre photographique d’un inconnu, Marcel Bascoulard (1913-1978), un personnage singulier vivant à Bourges dans les années 1940, qui expose ici des selfies avant l’heure. Très éloigné d’un Luciano Castelli ou du grimage expressif des travestis, Bascoulard s’auto-portraiture en femme, vêtu de vêtements féminins qu’il fabriquait lui-même et, ce qui est pour le moins étonnant, avec la complicité de cette petite ville provinciale, loin, si loin des extravagances parisiennes. Des autoportraits touchants, sensibles, modestes, comme l’était l’auteur, dessinant davantage la figure d’un être asexué que celle d’un transgenre revendicatif. Au moment où de plus en plus d’oeuvres d’art sont censurées ou vandalisées, tels Tree de Paul McCarthy, place Vendôme à Paris, ou Dirty Corner ( dit le Vagin de la Reine) d’Anish Kapoor, à Versailles, et où les artistes eux-mêmes tendent à pratiquer une auto-censure préventive, oui il est possible et urgent de réaffirmer, autour de cette exposition, que le sexe est de nouveau transgressif et peut devenir une arme contre le nouvel ordre moral qui emporte, comme une lame de fond, nos démocraties en péril.
Dominique Baqué With work by Hans Bellmer, Michel Journiac and Bernard Molinier, and those who follow in their footsteps, this group show offers a pluralistic and passionate reflection on gender, sexuality in public and private spaces, and eroticism. Paintings, drawings, silk screens and photos come together to tell us something about our times. In his Nudes, by blowing up screen grabs of low-resolution vignettes found on the Net to large-format proportions, Thomas Ruff uses pixilation and texture to soften pornography into erotic art. His approach is similar to that of Betty Tompkins, whose fine dot Fuck Paintings create erotic landscapes out of crude penetration close-ups. Influenced by Pop aesthetics, Joan Rabascall reconstructs and then photocopies torn photos, with a result nothing like the initial hardcore porn. Hélène Delprat makes large-format paintings that are half fairy tale and half nightmare, with recurrent obsessional motifs such as fauns, satyrs, chains and infla- table doll heads, sampling movies and popular culture. The show includes a real find, a nugget, the work of the unknown photographer Marcel Bascoulard (1913-1978), a singular character who lived in Bourges during the 1940s. Way ahead of his time, his selfies are nothing like those of Luciano Castelli or the usual facemaking of transvestite photography. In his self-portraits as a woman, he wears women’s clothing he sewed himself with the astonishing complicity of his neighbors in this small town where Parisian extravagances could not be more foreign. The pictures are touching, sensitive and modest, as was Bascoulard himself. They portray an asexual figure rather than an in-your-face transsexual At a time when more and more artworks are being censored or vandalized, like Paul McCarthy’s Tree at the Place Vendôme in Paris and Dirty Corner (a/k/a the Queen’s Vagina) by Anish Kapoor in Versailles, and when artists themselves tend to practice preventative self-censorship, it is possible and urgently necessary to reaffirm, as this show demonstrates, that once again sex is transgressive and can become an arm against the tsunami of the new moral order imperiling our democracies.
Translation, L-S Torgoff