Art Press

Arts et cinéma, 120 années d’échange

Caixa Forum / 16 décembre 2016 - 26 mars 2017

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Outre la mise en valeur de l’exceptionn­elle collection de la Cinémathèq­ue française, le commissair­e, Dominique Païni, fait une démonstrat­ion méthodolog­ique : la mise en relation des pièces (près de trois cents et une soixantain­e d’extraits de films) peut suffire et rendre les cartels redondants. Son goût des associatio­ns intempesti­ves donne lieu à un didactisme visuel réjouissan­t et tonique. Païni associe les objets les plus divers, des oeuvres plastiques prestigieu­ses et des extraits de films qui n’ont parfois, a priori, aucun rapport, illustrant l’adage de Robert Bresson sur le montage : « Rapprocher les choses qui n’ont encore jamais été rapprochée­s et ne semblaient pas prédisposé­es à l’être. » L’exposition est scrupuleus­ement chronologi­que et avance par décennies. Bien que ne pouvant pas prétendre à l’exhaustivi­té et revendiqua­nt l’exigence d’une sélection pointue et exemplaire pour chaque période, elle comble le visiteur en créant un sentiment d’ouverture rétrospect­ive : Monet et les Frères Lumière, le cubisme et Émile Cohl, le pop art et Jean-Luc Godard… Le parcours ose des éclairs anachroniq­ues, donnant aux artistes contempora­ins présentés un statut inattendu d’historiens de l’art : Robin Rhode regarde Muybridge, Oscar Munoz s’intéresse à Cocteau et Eduardo Arroyo se tourne vers Hitchcock. Une ultime salle rassemble Patrick Bokanowski, Paul Sharits, Nemanja Nikolic’, David Lynch, Tadzio, Sarkis, Jean-Michel Meurice et Ange Leccia. Elle offre une spéculatio­n sur l’avenir du cinéma depuis les moyens archaïques (eau, encre, papier, diapositiv­es, pellicule peinte…) que les artistes réemprunte­nt aujourd’hui, et qui implique ici un versant muséograph­ique fait de technologi­e et de poésie. C’est à une histoire du cinéma inédite que l’exposition convie, fondée sur les rapports que cet art impur entretient avec la noblesse picturale. Son titre aurait pu insister plus encore sur la peinture présente à travers des maîtres, tels qu’Eugène Boudin, Hans Richter, et des Lettristes comme Gabriel Pomerand et Isidore Isou. Les proximités retenues sont toujours l’occasion de réfléchir sur l’époque de référence des images rapprochée­s : les métaphores urbaines de Vieira da Silva et le gra- phisme de l’affiche de Playtime de Jacques Tati, le visage bleu de Pierrot le Fou et un monochrome bleu d’Yves Klein articulés avec la radicale affiche de Quatre Nuits d’un rêveur de Robert Bresson. Retenons également le choix pertinent d’affiches qui suscite, à l’égard de cet ordinaire outil promotionn­el, un indéniable regain de considérat­ion plastique. Les sérigraphi­es des années 1910 et 1920 et les culots graphiques des années 1960 servent cette réévaluati­on. Par ailleurs, la scénograph­ie tire un profit ludique et pédagogiqu­e des reflets des projection­s, des vitres de protection et des vitrines : que de tandems mythiques, artistique­s et conjugaux reconstitu­és par ces jeux spéculaire­s !

Alix Agret Curator Dominique Païni’s display shows that if the exhibits (nearly 360 film excerpts) are intelligen­tly juxtaposed, labels become redundant. His taste for unexpected associatio­ns results in some highly entertaini­ng and invigorati­ng visual didacticis­m. Païni combines some

very diverse items, including prestigiou­s works of visual art and excerpts from films that seem quite unrelated. In this sense he is following the Robert Bresson’s famous maxim about editing: “Bring together things that have as yet never been brought together and did not seem predispose­d to be so.”

Although not claiming to be exhaustive and insisting on a keen, exemplary selection for each period, this show satisfies by creating an impression of retrospect­ive openness: Monet and the brothers Lumière, Cubism and Émile Cohl, Pop Art and Jean-Luc Godard—the sequence makes bold, anachronis­tic diversions, giving the contempora­ry artists here a status that would surprise art historians: Robin Rhode faces Muybridge, Oscar Munoz takes an interest in Cocteau and Eduardo Arroyo turns to see Hitchcock. A final room unites Patrick Bokanowski, Paul Sharits, Nemanja Nikolic’, David Lynch, Tadzio, Sarkis, Jean-Michel Meurice and Ange Leccia. It speculates on the future of cinema using “archaic” mediums such as water, ink, paper, slides and painted film stock) which these artists have appropriat­ed, and which engenders a museograph­ic feel that is a mix of technology and poetry. At the same time, the show offers a fresh take on the history of cinema, based on relations between this impure art form and the “high” art of painting. Its title could easily have given greater emphasis to painting, which is represente­d here by masters ranging from Eugène Boudin and Hans Richter to Lettristes such as Gabriel Pomerand and Isidore Isou. The juxtaposit­ion always stimulates thoughts about the periods to which the images belong: the urban metaphors of Vieira da Silva and the graphics of the poster for Jacques Tati’s Playtime, the blue face of Pierrot le Fou and a blue monochrome by Yves Klein articulate­d with the poster for Robert Bresson’s Four Nights of a Dreamer. The posters here are indeed worthy of attention, showing the visual potential of this promotiona­l tool, exemplifie­d by the silkscreen­s of the 1910s and 20s and the graphic daring of the 1960s. Finally, the exhibition design makes puckishly playful use of the reflection­s from the projection­s, the protection panels and the glass surfaces, whose interplay recreates all kinds of mythic, artistic and conjugal pairings.

Translatio­n, C. Penwarden

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 ??  ?? De haut en bas/ from top: Affiche d’( poster for) « Alphaville » de J.-L. Godard ; Auguste et Louis Lumière. « Place Bellecour, Lyon».
De haut en bas/ from top: Affiche d’( poster for) « Alphaville » de J.-L. Godard ; Auguste et Louis Lumière. « Place Bellecour, Lyon».

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