Raphaëlle Ricol
Galerie Patricia Dorfmann / 26 novembre 2016 - 7 janvier 2017
Cette première exposition personnelle de Raphaëlle Ricol est déroutante. L’artiste présente des oeuvres inédites (peintures et sculptures) qui continuent de surprendre par leurs sujets et leurs traitements. L’accrochage, rythmé par de petits, moyens et grands formats, révèle une audace certaine. L’ensemble dessine un propos multiforme et éclaté porté sur notre société. Avec un regard à la fois empathique et ironique, l’artiste nous plonge dans les tréfonds de la nature humaine : sa poésie, sa bestialité, sa monstruosité, sa violence, son élan vital, ses doutes et sa tendresse. Il faut traverser l’exposition, venir et revenir vers chacune des oeuvres pour en déceler l’insolence et la sincérité. De Philip Guston à JeanMichel Basquiat, en passant par Francis Bacon, l’oeuvre de Raphaëlle Ricol mélange différents courants, différents sentiments. Loin de la « belle peinture », l’iconographie énigmatique est brossée rapidement, les traits des visages et des corps sont épais, les couleurs sont vives et franches. À la fois absurde, brutale, cocasse, impertinente, obscène et surréelle, cette peinture atteste d’une vision totalement décomplexée, d’un refus de tout académisme et d’une absolue indifférence aux modes et aux tendances actuelles. Raphaëlle Ricol est libre. Ses oeuvres transpirent d’impressions contradictoires et complémentaires. Les sujets, des fragments de récits insaisissables, incarnent une ambiguïté située entre la jouissance et la consternation. Elle dit d’ailleurs : « Je vis la peinture comme un affrontement. En fait, la création n’est pas forcément un moment heureux. » Alors, la comédie et la tragédie s’entrecroisent dans des scènes crues, caricaturales et jubilatoires. Les oeuvres sont habitées par l’histoire de la peinture, un héritage digéré et réemployé, ainsi que par des références populaires et sociétales. L’artiste puise en effet des objets et des motifs au sein des différentes communautés qui constituent notre société. On rencontre par exemple une planche de skateboard comme support pour une peinture, une autre oeuvre fait référence au football, tandis qu’une autre évoque la communauté LGBTI. La jeunesse, son caractère informe et merveilleux, est incarnée dans cette pratique prolifique. À travers elle, l’artiste aborde les questions identitaires et le rapport complexe à autrui. Ce dernier est palpable dans l’expression de sentiments extrêmes. Une impression étrange nous gagne, celle d’être épiés silencieusement par les oeuvres. Les regards sont omniprésents, tantôt complices tantôt dérangeants, les figures nous surveillent. L’oeuvre de Raphaëlle Ricol témoigne d’une énergie vitale et d’une intensité rare. Chaque oeuvre constitue une réponse directe et singulière à l’air du temps, à l’information du monde, aux petits et aux grands tracas de son récit mouvementé.
Julie Crenn This first solo exhibition by Raphaëlle Ricol is disorienting. Her paintings and sculptures continue to surprise in terms of both subject and handling. The hanging, a mix of small, medium and large formats, reveals real daring, and comprises a protean, fragmented discourse on our society, its viewpoint at once empathetic and ironic, immersing us in the depths of human nature—its poetry, its bestiality, its monstrousness, its violence, its vital energy, its doubts and its tenderness. You need to go all the way through the exhibition, then come back again and take another look at each work, to grasp the insolence and sincerity of what she does. From Philip Guston to Jean-Michel Basquiat, and including Francis Bacon, Ricol combines different tendencies and feelings. There is no “fine painting” here; the iconography is quickly brushed, the features of the faces and bodies are thick, the colors bright and direct. At once absurd, brutal, absurd, impertinent, obscene and surreal, this painting attests a totally liberated vision, a rejection of academicism and complete indifference to current trends. Raphaëlle Ricol is free. Her works stem from contradictory, complementary impressions; their subjects, fragments of elusive narratives, embody an ambiguity that is located between pleasure and distress. She says, indeed, that “I see painting as a confrontation. In fact, art-making is not necessarily a happy process.” Comedy and tragedy interconnect in scenes that are raw, jubilant and full of caricature. The works breathe the history of painting, a heritage that the artist digests and reuses, but are also informed by popular and societal references. Ricol takes her objects and motifs from the different communities that constitute our society. A skateboard provides the support for one painting, for example, while another work refers to soccer and another evokes the LGBT community. Youth, its mix of amorphousness and wonder, is embodied in this prolific practice through which the artist explores identity issues and the complex relation to others. The latter is palpable in the expression of extreme feelings. We are overcome with a sense of strangeness, the feeling that these figures are silently spying on us. Gazes are everywhere here, sometimes sympathetic and sometimes disturbing. Ricol’s work displays an unusual vital energy and intensity. Each piece constitutes a direct, one-off response to the moment and the times, to information from our world, to the small and great tribulations of its turbulent progress.
Translation, C. Penwarden