Pascal Pinaud
Espace de l’Art concret et Fondation Maeght / 10 décembre 2016 - 5 mars 2017
Deux institutions voisinent se sont révélées nécessaires pour rendre compte de l’ampleur et de la diversité du travail de Pascal Pinaud. À l’Espace de l’Art concret, il a littéralement investi le château en le transformant en espaces de vie domestique, qui n’ont cependant rien d’artificiels, dans la mesure où ils sont meublés de pièces de designers tels Breuer, Perriand, Saarinen, Castiglioni, Judd, Bertoia ou Le Corbusier. Pinaud, qui a toujours volontairement flirté avec le décoratif, a osé l’ornemental et a développé des pratiques presque artisanales, à une échelle jamais tentée auparavant. Les frontières entre arts nobles et mineurs s’estompent dans cette configuration et se fondent dans une démonstration où chaque élément a sa place, comme si les lieux attendaient depuis toujours d’être investis de cette façon. Il s’agit donc d’une véritable Gesamtkunstwerk, cette oeuvre d’art totale chère au Bauhaus, dont Pinault n’a cessé de revisiter les réalisa- tions. Il les a manifestement questionnées avant de les adapter à sa propre pratique, laquelle dépasse le stade convenu de l’hommage au profit de créations atypiques, s’inscrivant dans la riche histoire de l’art abstrait. On pense à la série des Patères et à celle des Vasques, à leur transparence mate, à leur disposition en équilibre improbable qui révèle leur fragilité, comme s’il s’agissait de pousser la résistance des matériaux à leur limite. C’est cette tension inhérente à ses oeuvres qui fait que le travail de Pascal Pinaud déjoue les pièges de l’anecdote. C’est cette capacité à être toujours sur le fil qui fait du parcours de cette exposition une expérience à nulle autre pareille. L’artiste a l’élégance de se dévoiler avec discrétion, tout en faisant preuve de générosité en invitant bon nombre de ses pairs à participer à « l’aventure » : Noël Dolla, Mathieu Mercier, Dominique Figarella, Philippe Ramette, Philippe Mayaux, Natacha Lesueur et d’autres. À la Fondation Maeght, le parcours est quant à lui purement monographique et se déploie au gré des séries qui composent son oeuvre. Certaines remontent à plusieurs années (les Tôles peintes à la laque automobile ou les photographies Test’Art), d’autres sont plus récentes, la plupart étant menées de front. Cent cinquante « dessins » occupent un mur entier. Ils sont le lieu de toutes les expérimentations, le fondement même de sa démarche, le papier faisant office de support aux collages, grattages, juxtapositions et superpositions de matériaux divers. Ils constituent le véritable laboratoire d’une oeuvre qui échappe volontairement à toute classification, dans sa volonté de brouiller les frontières entre l’art et l’artisanat, entre les références artistiques et la culture populaire. Il en résulte un vaste brassage de formes et de concepts, dont Pinaud maîtrise à l’évidence les subtiles articulations.
Bernard Marcelis Une autre version de cette exposition sera présentée à Marseille, au Frac Paca, du 1er juillet au 29 octobre 2017. It took two neighboring institutions to do justice to the scope and diversity of Pascal Pinaud’s work. At the Espace de l’Art Concret he literally took over the château, transforming it into spaces for domestic life about which there is, however, nothing artificial, insofar as they are furnished with designs by the likes of Breuer, Perriand, Saarinen, Castiglioni, Judd, Bertoia and Le Corbusier. Pinaud, who has always liked to flirt with the decorative, here goes all-out ornamental and develops practices that are almost artisanal, on a scale he has never tried before. The border between high and minor art is obliterated in this configuration. Each element has its place in the demonstration. It is as if this is what the space had always been waiting for. The result is a genuine Gesamtkunstwerk, the total artwork advocated by the Bauhaus, whose innovations Pinaud is constantly revisiting, overtly questioning them before adapting them to his own practice. He goes beyond conventional homage to produce unusual creations that add to the rich history of abstract art. One thinks of the Patères and Vasques series, of their matt transparency, their arrangement in an unlikely equilibrium revealing their fragility, as if the idea was to push the materials to the limit of their strength. It is this inherent tension that saves Pinaud’s work from mere anecdote, and that makes this exhibition such a unique experience. The artist has the elegance to discreetly withdraw, while showing great generosity in inviting participations from fellow artists such as Noël Dolla, Mathieu Mercier, Dominique Figarella, Philippe Ramette, Philippe Mayaux and Natacha Lesueur. The Fondation Maeght show, in contrast, is monographic and follows the series that make up his oeuvre. Some date back several years (the Tôles pieces of sheet metal painted with car paint and the Test’Art photographs), others are more recent. One wall is covered by 150 drawings, a terrain for the experiment that is the foundation of his work, with paper as the support for collages, juxtapositions and superpositions of materials, a laboratory that escapes classification in its determination to blur the boundaries between art and artisanship, artistic references and pop culture. The result is a huge mashup of forms and concepts, whose subtle articulations Pinaud visibly masters down to the last detail.
Translation, C. Penwarden