Jordan Wolfson colored Jordan Jordan Wolfson Ultimate Pop ? Bernard Blistène
Jordan Wolfson manie les codes de la culture high and low avec insolence. Ses marionnettes animées de mouvements violents ou pornographiques, ses films d’animation vertigineux s’avèrent de puissantes critiques des médiums utilisés. Version subversive du p
Au printemps 2016 à New York, six mois avant que l’Amérique n’élise finally someone with balls, je suis chez David Zwirner. Il y a foule. Sans doute trop de monde autour de la méchante marionnette : un mélange boutonneux du Denis la Malice d’Hank Ketcham, du Howdy Doody de E. Roger Muir et d’Alfred E. Neuman, mascotte d’Harvey Kurtzman et d’Al Feldstein (1). Il y a du monde, et ça couine et grince violemment au son haché de When a Man Loves a Woman que chante, soul, Percy Sledge. Devant le public, enchaînée par la tête et les mains, yeux télévisuels exorbités où apparaissent, écarquillés, les mots Spit et Earth, la figure très rosy-cheeked of popular art semble pendue à un gibet de spectacle : le personnage va et vient, chutant violemment sur le sol, tel un corps démembré et désarticulé. La machinerie a des allures de cauchemar sorti d’un film d’animation trash. L’échafaudage tient de l’échafaud. Nos yeux sont ahuris, d’autant que la marionnette masochiste nous regarde cruellement, insensible au programme comme à la violence en boucle qu’elle subit au bruit des chaînes qui la traînent et la supplicient devant nous. CARICATURE FÉROCE Le metteur en scène de cette présentation se nomme Jordan Wolfson. Il a trente-six ans et vit entre New York et Los Angeles. Il a suivi des études de sculpture à la Rhode Island School of Design, dont il est sorti diplômé en 2003. En 2014, David Zwirner l’avait déjà aidé à produire Female Figure, une première animatronique (2) dont je garde un souvenir halluciné. Dans une salle adjacente à la galerie de Chelsea, Female Figure dansait, telle la ma- rionnette du Festin chez Trimalcion (3). Face à un miroir, le visage au masque de sorcière de carnaval fixait son image et se déhanchait autour d’un axe qui semblait l’empaler, mélange obscène et vulgaire, au son de Blurred Lines, un hit médiocre chanté par Robin Thicke. L’androïde salasse parlait et laissait entendre avec la voix de Wolfson : « Ma mère est morte, mon père est mort, je suis gay, je voulais être un poète, c’est ma maison. » Barbarella des basfonds, Female Figure avait déjà l’insolence agressive de Colored Figure et l’intimité de la scène comme ma propre image, prisonnière du miroir dans lequel je me voyais la regarder, me rendait spectateur et voyeur d’une scène aux prises avec un espace aux allures de peep show : la blonde d’Étant donnés… qui aurait repris du service dans un film pornographique.
« Ce n’est point ma façon de penser qui a fait mon malheur, c’est celle des autres. »
D.A.F. de Sade
Jordan Wolfson est un sale gosse génial. Il n’en est pas à son premier coup. J’avais le souvenir de vidéos réalisées au tournant des années 2000. Parmi elles, Dinosaur (2001), décrit par Alexander Shulan (4), et surtout le court film d’une minute onze secondes, en 16 millimètres noir et blanc, I’m sorry but I don’t want to be an Emperor… (2005), écho de l’idéalisme du Dictateur de Charlie Chaplin et de la banalité nihiliste du film The Perfect Human (1967) de Jørgen Leth. Mais c’est sans doute Animation, masks (2011), une caricature féroce aux allures du Shylock du Marchand de Venise,