Peter Campus
Jeu de Paume / 14 février - 28 mai 2017 Peter Campus compte parmi les incontournables pionniers des pratiques vidéo de l’art contemporain. Il est un artiste de la performance qui, pourtant, n’a jamais véritablement performé en public. C’est en effet aux spectateurs qu’il délègue la participation, au sein de situations préalablement définies dans les plus extrêmes détails. C’est littéralement eux qu’il expose quand ils achèvent, de leur présence comme de leurs jeux, ses oeuvres en circuit fermé, que l’on qualifierait aujourd’hui d’interactives. Les dispositifs des années 1970 que Peter Campus présente actuellement au premier étage du Jeu de Paume sont aussi rares que les expériences qui nous sont ainsi proposées. Celles- ci opèrent comme autant d’énigmes questionnant notre perception propre. Pénétrer dans les champs délimités de ces oeuvres revient à entrer dans l’image. C’est alors que nous cherchons inévitablement la ou les caméras, que jamais l’artiste ne nous dissimule. Nous jouissons des pièges que ce dernier, pourtant, et avec beaucoup de bienveillance, nous a dressés dans l’usage de quelques miroirs ou de rares ralentis. Jamais nous ne savons réellement ni où ni quand nous sommes, en cette société du temps réel ou immédiat. Nul ne sera surpris en apprenant que Bill Viola, dans les années 1970, a été l’assistant de Peter Campus. Ce dernier, en conférence au Jeu de Paume, reconnaît humblement l’influence de ses dispositifs sur les générations de celles et ceux qui n’ont cessé, par l’interaction, d’éprouver les corps dans l’espace muséal. L’exposition se poursuit avec les documentations vidéographiques de performances dont l’étrangeté n’a rien perdu avec les années. Et puis il y a quelques photographies dont on remarquera qu’elles sont sombres, et ce, à de multiples égards. Sans omettre les quelques travaux numériques se référant tant à la peinture, par la touche, qu’au jeu vidéo, dans l’incertitude. Notons enfin l’extrême qualité des ouvrages qui accompagnent et poursuivent l’expérience de cette exposition, dont la curatrice n’est autre que la théoricienne de l’art Anne-Marie Duguet. Le coffret qu’elle publie à cette occasion rassemble le catalogue de l’exposition du Jeu de Paume, la réédition du catalogue historique d’une exposition de Peter Campus datant de 1974 et le septième opus des éditions Anarchive que l’on s’appropriera avec une tablette ou un smartphone. Car les documents d’une base de données, aux contours sans limite puisque volontairement inachevés, n’attendent que d’y être activés au travers d’une application de réalité augmentée téléchargeable. Les expériences initiées au sein du lieu même de l’espace muséal se poursuivent ailleurs et autrement, comme c’est déjà le cas au travers de la rubrique « Création en ligne » du site internet du Jeu de Paume.
Dominique Moulon Peter Campus is one of the key pioneers of video art, a performance artist who never really performed in public because he delegated that role to visitors, within situations that he defined down to the slightest detail. It was these participants that he was quite literally exhibiting, for it was their presence and their acting that completed his closed-circuit works, which today we would describe as interactive. The setups that Campus created in the 1970s are as rare as the experiences offered to us here. Each one is like an enigma, questioning our perceptions. To enter the fields delimited by these works is to enter the image, and this is when we start looking for the camera(s) that, in fact, the artist is never hiding from us; when we start to take pleasure in the “traps” that he has, in very kindly fashion, laid out for us in the form of a few mirrors and the occasional slo-mo. We never really know where or when we find ourselves in the society of real or immediate time. No one will be surprised to learn that Bill Viola worked as Campus’ assistant in the 1970s. For his part, speaking at Jeu de Paume Campus humbly recognized Viola’s influence on generations who have used interactivity as a way of testing the body in the space of the museum. The exhibition continues with videos of the performances. These look as strange as they ever did. And then there are a few photos which are dark in both senses of that word. Plus a handful of digital pieces whose touch references painting and whose uncertainty leans toward video games. Note, finally, the extreme quality of the books accompanying and extending the experience of this exhibition curated by art theoretician Anne-Marie Duguet. The box set that she is publishing for this occasion brings together the Jeu de Paume catalogue, a reprint of a historic Campus exhibition in 1974, and the seventh publication by Éditions Anarchive, which can be appropriated with a tablet or a smartphone. The unlimited, deliberately unfinished database contained here is ready to be activated by means of a downloaded augmented reality app. Here, as with Jeu de Paume’s online art site, the experiences initiated in the museum are ready to continue elsewhere.
Translation, C. Penwarden