Guillaume de Sardes
L’Éden la nuit
Gallimard, 76 p., 8,50 euros
Paris, 2011. Un Russe, en quête de sa soeur exilée, écume les boîtes de Pigalle, les clubs de strip-tease. Un soir, une fille l’éblouit, qui virevolte autour d’une barre de pole dance. Sacha et Nina, face à face, se souviennent... Né en 1979, Guillaume de Sardes, dont le Nil est froid avait reçu plusieurs prix en 2009, tisse ici la trame d’un destin sans pareil. Son écriture est celle de l’errance, de la fragilité, mais aussi celle de la vigueur, qui, musant par les souvenirs, sublime les images les plus quotidiennes pour en exhausser la sensibilité. De narration psychologique, une telle esthétique ne saurait se satisfaire. On n’est pas non plus dans une simplicité qui se contenterait d’une intrigue ficelée, et qui l’est, d’ailleurs, brillamment, puisque le texte nous tient en haleine. Roman, certes, mais aussi poésie, dans l’équilibre de ses motifs et ses jeux de miroir, l’Éden la nuit reste sobre de métaphores – priorité donnée aux adjectifs, aux substantifs pour scander les décors. Guillaume de Sardes n’est pas impunément auteur et photographe : les éléments de son écrit sont essentiellement visuels. Nulle image objective, pourtant, mais des subjectivités qui se créent, se recréent, continûment, porteuses, dans toute leur substance, du drame noué en quelques pages. Il s’agit ici de mettre en mots des épiphanies, une esthétique du flou, où la pudeur dénoue les souvenirs, réverbère l’absence. Et rien ne saurait être anecdotique dans un livre si court – 76 pages –, dont la brièveté même ne supporterait pas l’insipide, le trivial. Il en va d’une manière de sublimation, par la recherche d’équilibre, de tout ce qui sinon relèverait d’un chaos sentimental, auquel le récit donne forme. Forme contemporaine, pensée, qui charme le lecteur autant qu’elle le captive.