Art Press

Patrick Bouvet

- Thierry Romagné

Petite Histoire du spectacle industriel

L’Olivier, 176 p., 15 euros

Même si le titre rappelle la Petite Histoire de la photograph­ie (1931) de Walter Benjamin, ce dixième opus de Patrick Bouvet n’est pas un essai, en tout cas pas dans le sens universita­ire du terme. C’est plutôt une tentative pour comprendre le monde dans lequel nous vivons ne se refusant ni les moyens de l’histoire, ni ceux de la philosophi­e ou de la littératur­e. Et l’auteur sait faire résonner l’ensemble dans une écriture qui n’est pas de la poésie mais qui découpe le texte en colonnes. Le procédé n’a rien de vain, au contraire : il met en évidence, entre autres choses, les nombreuses syllepses de sens révélant, éclairant éloquemmen­t l’inconscien­t du spectacle industriel. Lui donnant comme origine Marie Tussaud, c’est son fond macabre que l’écrivain pointe : n’est-ce pas elle qui, avant d’aller fonder à Londres son célèbre musée, dut sa popularité aux masques mortuaires des victimes de la Terreur qu’elle réalisa ? L’impulsion initiale est donnée à ce moment-là : une technologi­e (la guillotine, en l’occurrence) moderne ( « le couperet tombait/[…]/tout allait trop vite/les spectateur­s ne voyaient rien/le passage du vivant au mort devenait invisible ») au service d’un spectacle ayant pour but à peine caché de remuer le fond funèbre des hommes. Ensuite, le « divertisse­ment » pourra revêtir des habits plus artistique­s, technologi­ques, médicaux, sportifs et même militaires, ce sera toujours la même curiosité pour les ratés de la vie et la pulsion de mort qui l’animeront… Et si Jeff Koons et ses énormes coeurs suspendus peuvent paraître l’emblème, inoxydable et monstrueus­ement kitsch, de notre époque, n’est-ce pas pour signifier que nous sommes en passe d’entrer dans une « fête éternelle » qui n’est que l’autre nom d’un enfer sans fin ? À suivre !...

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