Jacques Sicard
La Géode & l’Éclipse
Le Pli, 180 p., 25 euros
On avait quitté Jacques Sicard avec des textes (voir dans les Cahiers de Tinbad n°3) où le poète innovait dans sa manière maintenant connue (une image ou un photogramme, voire un plan de film, entraîne le texte) en présentant des diptyques ou des triptyques se combinant autour d’une ou deux esperluettes. Le revoici chez un éditeur qui réouvre sa collection après une interruption de plusieurs années, Le Pli, dont le nom à consonance leibnizienne lui convient si bien : dans les plis les plus ténus du réel filmé ou photographié va se nicher sa pensée retorse à une seule lecture. Il était donc naturel que ce nouveau livre, comprenant trois parties, s’ouvrît avec un premier volet entièrement composé de textes tournant autour d’un & en forme d’esperluette. Sicard allant même trouver des équivalences formelles de ce signe typographique et poétique chez des cinéastes aimés, par exemple chez Miklós Jancsó, dans un texte titré « L’Esperluette & les Égorgeurs », où l’écrivain montre que le & écrit équivaut au montage elliptique en cinéma – une suture entre deux plans éloignés. Mais il y a plus : Sicard, ici, fait entrer tous les arts sur sa palette, pour de nouveaux mélanges plus étranges et réussis que jamais : musique (Satie), poésie (Celan, Kafka, Brecht, Artaud (en quinze tableaux éblouissants), « philosophie » (Lacan, Barthes), peinture (Vallotton). Mais c’est aussi avec Joyce que Sicard nous quitte, dans son prière d’insérer de 3 e de couverture : « Être joycien en Dedalus, c’est associer l’idée du labyrinthe à la forme de la rose. […] Le labyrinthe et la rose : le chemin enroulé sur luimême que le parfum aère. » Afin de tout à fait s’envoler, Sicard prépare maintenant un ensemble de suites chromatiques. Mais n’était-ce pas déjà ce qu’il faisait depuis le début ?