Yann Perreau

Incognito. Anonymat, histoires d’une contre-culture

Grasset, 304 p., 19,90 euros

Le narcissisme n’a jamais été aussi exacerbé, porté et amplifié par les réseaux sociaux, avec, sous-jacente, la promesse d’accéder au graal de la société de consommation : la célébrité. C’est dans ce contexte que le projet de Yann Perreau trouve une raison d’être, réflexion sur l’anonymat, à travers des histoires définissant une certaine contre-culture et partant du postulat wildien : c’est lorsque l’homme porte un masque qu’il dit finalement la vérité. D’Ulysse à Banksy en passant par Romain Gary, les Anonymous ou encore Daft Punk, différents cas et exemples répertoriés sont analysés, disséqués avec, à chaque fois, tentative de mise en perspective, même si la difficulté ici réside dans le fait que ces histoires ont parfois peu de chose en commun sinon cette particularité formelle : celle du camouflage. Ainsi, pour agencer son discours et développer ses théories, la pertinence de l’auteur est d’être arrivé à structurer ces innombrables pistes en chapitres, de sa « Généalogie d’incognito » aux « Héros masqués », à « Renverser les valeurs » ou « Mon nom est légion », explorant dans cette dernière partie l’aspect le plus politique lié à la révolte contre le pouvoir en place. Au terme de l’ouvrage, dans un « État des lieux », Perreau livre sans doute les lignes les plus fortes, en soulevant l’ambiguïté de ce qu’on appelle parfois le darknet ou l’undernet. Il évoque également les applications digitales telles Gossip ou Bleep qui permettent de rester anonymes sur le net et lie ces pratiques au concept de « crypte » pensé par Jacques Derrida, lieu du secret, où « l’impossible peut avoir lieu ». Cette vaste fresque, fascinante, confirme en tout cas l’idée que c’est souvent de l’obscurité que vient non pas la vérité, mais la condition absolue pour qu’elle puisse se révéler.