L’esprit français. Contre-culture 1969-1989
La Maison rouge / 24 février - 21 mai 2017
« La jeunesse emmerde le Front national ! » Ces paroles des Bérurier Noir résonnent au seuil de l’exposition. De passionnants échos avec l’actualité surgissent de cette exposition qui ne cesse d’attirer la foule depuis son inauguration. Guillaume Desanges et François Piron, ses commissaires, se sont penchés sur les deux décennies qui ont conduit au punk, à la chute du Mur de Berlin, aux célébrations du bicentenaire de la Révolution française. Ils ont tenté de définir un esprit français, un « mauvais esprit prétentieux mais pas héroïque », l’envie de tout casser, plus individualiste que communautariste, qui vient de l’Assiette au Beurre et que l’on retrouve dans Hara Kiri et Charlie Hebdo, cet esprit qu’il est si difficile à saisir de l’étranger, en dépit des « Je suis Charlie » qui ont circulé sur les réseaux sociaux. Les commissaires auraient pu prendre une période plus large, raconte Guillaume Desanges: le Marquis de Sade, le surréalisme, les années 1980. Ils ont finalement choisi de dresser une cartographie subjective de cette époque mal-aimée, à partir de grands thèmes comme les outrages au drapeau, l’éducation, le sexe, les banlieues, les violences intérieures. Leur parti-pris est moins celui de l’histoire que du collage. Il faut dire que la difficulté est immense de traduire en exposition ce qui s’est passé à la clinique de La Borde, où s’est développée l’anti-psychiatrie, ce qui s’est passé pendant les nuits du Palace – curieusement la figure de Fabrice Emaer n’apparaît pas. Certains sujets ont été délibérément écartés. D’autres figures ou sujets sont au contraire mis en avant par l’effet d’anamorphoses assumées. Les complexités infinies de cette période sont ainsi évoquées pêle-mêle : les transitions ambiguës entre l’un- derground et la culture populaire, illustrées par exemple par la figure de Coluche; les affrontements et les tensions entre les différents groupes de militants ; les rapports de plus en plus violents entre les jeunes et la police dans les cités… Au fil du parcours, on découvre des raretés comme un manuscrit inédit de Dziga Vertov, un film de Jules Celma sur la libération de l’éducation, ou le très beau court-métrage One More Time de Daniel Pommereulle. On rencontre Copi, dramaturge et romancier argentin, avec son personnage de Libérette, qu’il a un temps dessiné dans les marges de Libération. Honneur est fait aussi à des artistes mal aimés comme Alfred Courmes ou les Lalanne avec leur grande sculpture de l’Homme à la tête de choux. Il aurait pu y avoir encore plus d’oeuvres et un peu moins de documents. De Monory et Gilles Aillaud à Claude Lévêque, en passant par Bazooka, la visite se termine de façon elliptique, dans une atmosphère sombre et carcérale, entre les recherches de Michel Foucault sur les prisons et le sang du terrorisme. Comme on était entré, on ressort, au son des Bérurier Noir, dans l’installation de Claude Lévêque, Conte cruel de la jeunesse, qui est très belle, mais qui conclut l’exposition dans un excès de romantisme. “Youth says fuck you to the National Front!” Visitors to this show are immediately hit with this song by the iconic 1980s punk rockers Bérurier Noir. This show resonates powerfully with today’s news (a time when Marine Le Pen’s National Front seems close to capturing the presidency) and has drawn crowds since it opened. Curators Guillaume Desanges and François Piron examine two decades of counterculture (1969-89) marked by punk, the fall of the Berlin Wall and the celebration of the bicentennial of the French Revolution. They have tried to define an “esprit français,” a nasty disposition that is pretentious rather than heroic, a yearning to trash everything, more individualist than collectivist, from the early twentieth-century anarchistic satirical review L’Assiette au Beurre to the caustic Hara Kiri and the dark lampoons of Charlie Hebdo, a spirit generally unfathomable outside of France despite the “Je suis Charlie” messages circulating on social media since the 2015 massacre in its offices. The curators could have chosen a longer period, Desanges remarks, going back to the Marquis de Sade and Surrealism. Instead, they decided to draw up a subjective map of this era of ill repute, organized around themes such as insults to the French flag, education, sex, the country’s ghetto urban outskirts and inner violence. In short, this is not so much a history as a collage. It has to be said that it is immensely difficult to visually translate the development of anti-psychiatry at La Borde psychiatric clinic where Félix Guattari worked, and the wild nights at the Palace nightclub in Paris presided over by Fabrice Emaer, who, oddly, isn’t mentioned. Some subjects have been left out deliberately. Other subjects and figures, conversely, are put forward in acknowledged anamorphoses. The infinite complexities of that period are evoked pell-mell, such as the ambiguous transitions between underground and pop culture, illustrated by the comedian/round-faced rebel in overalls Coluche, the confrontation and tensions between activists from opposing currents, the increasingly violent relationship between the police and youth in housing projects, etc. In the course of the visit you discover rarities such as an unpublished manuscript by Dziga Vertov, a film by Jules Celma on the liberation of education and the excellent short OneMore Time by Daniel Pommereulle. You also find the Argentinean playwright novelist Copi, whose cartoon character Libérette once graced the pages of the Paris daily Libération. Also honored are lesser-known artists like Alfred Courmes and Les Lalanne, a couple represented by a large sculpture whose name translates as Cabbage-Headed Man. More art and less documents also would have been nice. From Monory and Gilles Aillaud to Bazooka and Claude Lévêque, the show ends in an elliptic fashion, in a somber, prison-like atmosphere, with Michel Foucault’s research on incarceration, and terrorist bloodletting. You leave just like you entered, to the Bérurier Noir tune in an installation by Claude Lévêque, Conte cruel de la jeunesse, which is lovely but brings the exhibition to a close with a bit too much romanticism.
Translation, L-S Torgoff