Triennale KT2017 à Katmandou
Divers lieux / 24 mars - 9 avril 2017
Katmandou est un cadre aussi improbable qu’enthousiasmant pour une triennale. Coincé entre deux puissances, l’Inde et la Chine, le petit pays, d’une beauté stupéfiante, dont cette ville est la capitale, ne compte pas moins de 75 langues et dialectes différents. Cette richesse culturelle est cependant menacée par les forces omniprésentes de la mondialisation et par le doublement de la population de Katmandou au cours des quinze dernières années du fait de l’exode rural. Les effets sur l’environnement en sont dévastateurs : embouteillages interminables, pollution insupportable, et le spectacle apocalyptique de passants munis de masques anti-poussière. Philippe Van Cauteren, directeur du musée d’art contemporain de Gand (S.M.A.K.) et commissaire de cette première édition de la Triennale de Katmandou, a donc choisi de faire de la ville le protagoniste principal de l’exposition. La modernité se heurte ici à des traditions séculaires (on dit que, à une époque, Katmandou comptait autant de temples que de maisons). Choquée par l’incompréhension croissante dont les traditions locales font l’objet, l’artiste népalaise Bidhata KC présente, sur les trois étages du Nepal Art Council – l’un des quatre sites de la triennale – sa propre version, gigantesque, en métal et fil de fer – et non en bambou tissé traditionnel – du chariot de Machhendranath utilisé chaque année à l’occasion d’une importante fête religieuse. Francis Alÿs, qui patronne KT2017, s’est livré à une marche à travers le quartier historique de Patan, le 21 mars de 6 heures à 9 heures du matin. À côté des chaussures All Stars utilisées à cette occasion, il présente la liste de toutes les activités qu’il a observées : tirer, pousser, laper, cracher, nouer. Ce n’est certainement pas là son oeuvre la plus forte (l’artiste a également tourné quelques séquences à Katmandou, qui pourraient aboutir à une autre pièce) ; elle n’en demeure pas moins caractéristique de sa pratique « cartographique », déjà expéri- mentée dans plusieurs villes. Quant à Jorge Macchi, il lui emboîte le pas à sa manière, en découpant une carte de Katmandou de façon à n’en conserver que les routes principales et les rivières, transformant ainsi la ville en paysage imaginaire. Mekh Limbu et Hit Man Gurung évoquent les terribles conditions de travail des immigrés népalais au Qatar, d’une manière relativement littérale – travers qui caractérise une part considérable de cette triennale. Ce défaut est compensé par le sincère engagement des organisateurs, le rôle donné aux artistes locaux sur une scène où les opportunités sont rares, et la possibilité offerte de découvrir des artistes du Népal et de la région. Ce qui prouve la pertinence de cette manifestation dans un calendrier artistique mondial plein à craquer.
Sam Steverlynck Traduit par Laurent Perez Kathmandu is a rather unlikely, but inspiring, setting to hold a triennale. It is the capital of a small but stunningly beautiful country, sandwiched in between two powers, India and China, with a very diverse population and 75 different languages and dialects. But that cultural richness is under threat, through the omnipresent forces of globalisation and the fact that in the last fifteen years, the population of Kathmandu doubled, mainly due to rural exodus. This has also had devastating effects on the environment, with endless traffic jams, unbearable smog and the apocalyptic sight of people walking around with dust masks. Hence, Philippe Van Cauteren, director of the Museum of Contemporary Art in Ghent (S.M.A.K.) and curator of this first edition of the Kathmandu Triennale, chose the city as his exhibition’s protagonist. It is the place where the friction between centuryold traditions—at a given moment Kathmandu was said to have as many temples as houses—and modernity is the most palpable. Being shocked by a loss of understanding of local traditions, the Nepalese artist Bidhata KC made her own version of a Machhindranath chariot, a device that is used during a traditional annual festival. She made a gigantic version of it—not in woven bamboo as is customary, but in metal and wire—that is presented over the three floors of the Nepal Art Council, one of the triennale’s four venues. Francis Alÿs, a patron of K2017, went on a walk through the historical Patan district on March 21, from 6 to 9 AM. Together with the All Star shoes he used for the walk, he presents a list with all the activities he encountered: pulling, pushing, slurping, spitting, bowing, etc. Though it is definitely not one of his strongest works—the artist has also shot footage in Kathmandu that might result later in another piece—it is nonetheless characteristic of his practice in which he “maps” various cities. This is also something Jorge Macchi did in his own way, by cutting out a map of central Kathmandu until only major roads
and rivers remain, hence turning it into an imaginary landscape. Mekh Limbu and Hitman Gurung refer to the harsh working conditions of Nepali immigrants in the oil-rich Qatar, but both do so in a rather literal way—a pitfall that unfortunately characterises a considerable part of this triennale. Nevertheless, the organisers’ sincere engagement, the empowerment of local artists in a place of few opportunities and the exhibition being the perfect platform to discover artists from Nepal and the region compensates for this flaw and imparts its relevance in a jam-packed global art agenda.
Sam Steverlynck