À pied d’oeuvre(s)
La Monnaie de Paris / 31 mars - 9 juillet 2017
S’inscrivant dans le cadre des quarante ans du Centre Pompidou, l’exposition montée par Camille Morineau avec le concours de Frédéric Paul, sur une idée de Bernard Blistène, vise à mettre en perspective une pluralité de propositions témoignant d’une conception « élargie » de la sculpture, au sens où l’a entendu Rosalind Krauss dans son fameux essai publié en 1979 dans October (n° 8) : Sculpture in the Expanded Field. Le dénominateur commun des oeuvres retenues est de prendre appui au sol, cette « mise à plat » étant, selon les commissaires, synonyme d’un refus d’une monumentalité affichée par les sculptures contemporaines. Telles qu’elles se déploient dans les somptueuses pièces de la Monnaie, cellesci se veulent par ailleurs sans unité de lieu, réfractaires à toute forme de chronophobie, perméables à d’autres médiums (photographie, vidéo), hybrides et se situant, selon les cas, à la frontière de pratiques performatives encouragées par une présence corporelle coïncidant avec leur « mise en oeuvre ». Chaque salle correspond à une thématique ou entrée en matière : Occupation des sols, Chutes, Allégorie, Ci-gît l’espace, Corps mesure, Échantillonnage, Infini, Gravité, À plat, Terres sacrées, Terre à terre, Prière de marcher. Autant de concepts et de notions permettant de conjuguer des esthétiques complémentaires et souvent inconciliables – c’est tout l’intérêt – et de passer de Tony Cragg à VALIE EXPORT, de Sophie Ristelhueber à Ulrich Rückriem, de Carl Andre à Claudio Parmiggiani, sans oublier Jochen Gerz ou Tatiana Trouvé. S’il fallait retenir une seule oeuvre, ce serait Red Angel of Marseille de James Lee Byars, qui a su trouver en la salle Guillaume Dupré un écrin parfaitement adapté. Ce constat ne saurait malheureusement être appliqué à nombre de propositions de cette exposition. Car si les enjeux se situent au sol, nul spectateur ne saurait faire abstraction d’un environnement parfois inapproprié à leur épanouissement. L’exiguïté des salles provoque en effet trop souvent un manque de respiration de travaux qui, à l’image des sculptures de Carl Andre et de Ulrich Rückriem, sont aussi mal présentés que sur le stand d’une foire. Et s’il ne s’agit pas de minimiser la qualité des oeuvres souvent exceptionnelle, une sélection plus réduite aurait de toute évidence permis au Centre de valoriser davantage ses joyaux. Part of the celebrations for the first forty years of the Pompidou Center, this exhibition curated by Camille Morineau with Frédéric Paul and based on an idea by Bernard Blistène sets out to offer a perspective on a plurality of propositions reflecting the broader conception of sculpture famously put forward by Rosalind Krauss in an essay for October (no. 8), in 1979: “Sculpture in the Expanded Field.” The common denominator of the works selected here is that they all rest directly on the floor, in a “flattening” that, according to the curators, is synonymous with the rejection of monumentality espoused by contemporary sculptures. As laid out in the ornate rooms of the old Mint building, these works make no attempt to claim unity of place and eschew all forms of chronophobia. They are permeable to other mediums (photography, video) and hybrid, and many of them exist on the border of performance by virtue of the corporeal presence that was part and parcel of their making. Each room represents or introduces a given theme: the occupation of floor space, Falls, Alegory, Here Lies Space, the Body and Measurement, Sampling, Infinity, Gravity, Flat, Sacred Land, Down to Earth, “Please Walk.” This is how the show juggles with all the diverse and often irreconcilable aesthetics involved (and that is what makes it interesting), and can go from Tony Cragg to VALIE EXPORT, from Sophie Ristelhueber to Ulrich Rückriem, from Carl Andre to Claudio Parmiggiani, or from Jochen Gerz to Tatiana Trouvé. If there is one work that really stands out here, however, it is Red Angel of Marseille by James Lee Byars, because it fits so perfectly into the Salle Guillaume Dupré. Unfortunately, the same cannot be said for many other pieces on show. For if the sculptural action and issues are to be found on the floor here, it remains impossible to forget the surroundings, which sometimes smother the works’ presence. The smallness of certain rooms, for one thing, often cramps them: the sculptures by Andre and Rückriem, for example, are presented as poorly as if they were on a stand at an art fair. And while I certainly do not wish to deny the often exceptional quality of the works in this exhibition, a smaller selection would clearly have enabled the Pompidou to do better justice to its treasures.
Translation, C. Penwarden