Sam Szafran
Galeries Hautes du Château / 1er avril - 31 août 2017
Arborescences met à l’honneur la dimension végétale de l’oeuvre de Sam Szafran, dans le cadre de la 9e Saison d’art du Domaine de Chaumont-sur-Loire. L’exposition réunit une trentaine d’oeuvres, gravures, aquarelles et pastels, de 1971 à 2017, illustrant le goût de l’artiste pour l’expérimentation, celuilà même qui s’est imposé comme le rénovateur du pastel. Le thème des Feuillages apparaît dans son oeuvre à la fin des années 1960, alors qu’il tente de reproduire un philodendron trônant dans l’atelier de Zao Wou-Ki. Depuis, Szafran réalise et sublime ces univers déstabilisants de plantes envahissantes et de jardins exaltés. Les Galeries Hautes voient se succéder ces compositions de plantes diversifiées – aralia, ricin, caoutchouc…–, décuplées, recouvrant l’espace pictural duquel se détachent souvent un mince escalier de forme hélicoïdal qui ne mène nulle part, des tables multicolores, et Lilette, assise sur le banc de Gaudí. Il ne s’agit nullement de paysages ; au contraire, la série des Feuillages perpétue la prédilection de l’artiste pour les espaces clos que son regard distend. La solitude du modèle, qui semble en attente d’un événement et plongée dans une forme d’inertie, ainsi que l’absence totale d’action et de narration concourent à donner le sentiment que ces images agissent comme des « instants suspendus ». Avec une grande méticulosité, l’artiste rassemble un très grand nombre de feuilles et de nervures, qu’il superpose ou juxtapose. Ce faisant, il ne manque jamais de laisser paraître ici ou là le blanc du papier, comme une ponctuation. Le réel est grevé d’apparences et d’illusions. Les changements croisés d’angles et d’axes, d’un plan à l’autre, renversent les rapports d’ombre et de lumière, multiplient les perspectives déroutantes, et produisent une suite de ruptures et de dissonances. L’effet d’inauthenticité dans l’oeuvre de Szafran reposerait donc sur des processus proches du collage. La densité oppressante qui caractérise les Feuillages, la mesure dans laquelle il les réinvente, l’atmosphère exubérante, ne sont au fond que le fruit d’accumulations infinies d’espèces végétales et de multiples combinaisons, à connotation personnelle. Point d’orgue de l’exposition, deux oeuvres de format invraisemblable pour des pastels (200 x 300 cm) se font face. Tout à fait édifiantes dans leurs données, leurs variations de tons, de valeurs et de lumière, ces oeuvres récentes combinent deux médiums a priori opposés, le pastel et l’aquarelle, le sec et le mouillé. En réinventant le pastel, l’oeuvre de Szafran devient de plus en plus expressive, métaphorique et audacieuse, matérialisant une vie de recherches et de pratique, et évoluant vers la création d’une mythologie personnelle complexe. Une exposition rare et juste, qu’introduisent avec force les portraits photographiques de l’artiste signés par Didier Gicquel. Held as part of the ninth “Season of Art” at the Domaine de Chaumontsur-Loire, Arborescences spotlights the vegetal dimension of Sam Szafran’s work. Some thirty engravings, watercolours and pastels made between 1971 and 2017, illustrate the taste for experiment on the part of this artist who established himself as the man who renewed the practice of pastel. The theme of foliage appeared in his work in the late 1960s, when he was trying to reproduce a philodendron seen in the studio of fellow painter ZaoWou-Ki. That was when he started so vividly capturing these destabilizing worlds of invasive plants and exalted gardens. The upper galleries have a succession of these compositions of diverse plants—aralia, ricin, hevea—burgeoning and covering the pictorial space against which there sometimes rises a narrow spiral staircase leading nowhere, multi-coloured tables, and Lilette, sitting on the Gaudi bench. These are not landscapes: on the contrary, the Feuillages series perpetuates the artist’s predilection for the closed spaces that his gaze expands. The solitude of the model, who seems to be awaiting an event or to be in a state of inertia, plus the total absence of action and narrative, work together to give the impression that these images are “suspended moments.” With great meticulous- ness, the artist superposes or juxtaposes a great number of leaves and nervures, always allowing the white of the paper to show through at some point, like a punctuation mark. The real is scarred by appearance and illusion. The switching of angles and axes, from one plane to another, reverses the relations of shadow and light, multiplying disorienting perspectives and producing a series of ruptures and dissonances. The effect of inauthenticity in Szafran’s work thus seems to rest on processes that are close to collage The oppressive density of the Feuillages, their degree of reinvention and exuberant atmosphere, are ultimately only the fruit of infinite accumulations of vegetal species and multiple combinations with personal connotations. The high point of the exhibitions is two works that are extraordinarily large for pastels (200 x 300 cm), facing each other. Most edifying in terms of their variations in tonal values and light, these recent works combine two mediums that in principle are opposed: pastel and watercolour, the dry and the wet. In reinventing pastel, Szafran becomes more and more expressive, metaphorical and audacious, materializing a life of experiment and practice, and developing towards the creation of a complex personal mythology. This rare and judicious exposition is powerfully introduced by Didier Gicquel’s photographs of the artist.
Translation, C. Penwarden