Art Press

Pello Irazu

- Didier Arnaudet

Musée Guggenheim / 10 mars - 25 juin 2017

La sculpture de Pello Irazu se caractéris­e par le refus d’une forme qui se referme sur elle-même, et donc par une sorte d’agilité susceptibl­e de résoudre la contradict­ion de vouloir saisir ce qui semble par définition insaisissa­ble. Rien alors de condensé, de clôturé. Tout s’y mobilise résolument pour éviter tout enfermemen­t, tout empêchemen­t. La rupture n’est pas le seul moyen d’y parvenir. Ne céder à aucune déterminat­ion, ou plutôt s’ouvrir à toutes les déterminat­ions, est un mode opératoire que cette sculpture s’accorde. Elle se donne aussi du champ par la proximité agissante qu’elle développe avec la photograph­ie, le dessin et la peinture murale. Intitulée Panorama, cette exposition rassemble plus d’une centaine d’oeuvres et s’articule autour des étapes significat­ives d’une carrière qui s’étend sur trois décennies. Les différente­s périodes ne sont pas considérée­s isolément, mais adhèrent les unes aux autres et s’inscrivent dans un présent où le passé et le futur se rejoignent dans une même exigence. L’étendue de l’oeuvre s’offre ainsi dans une vision panoramiqu­e qui embrasse une totalité cohérente, tout en permettant ensuite de la détailler, comme un paysage, parcelle par parcelle. Dès le milieu des années 1980, Pello Irazu exacerbe la logique du sculpteur Jorge Oteiza dans un minimalism­e énergétiqu­e, et pose les bases d’une sculpture en opposition à une tradition locale. Il passe des photograph­ies de ses premières expérience­s éphémères à l’équilibre acéré de pièces en acier, aiguillonn­ées par l’introducti­on de la couleur. Il pratique aussi le dessin et la peinture dans une forte implicatio­n avec la sculpture, mais les revendique toujours comme des oeuvres indépendan­tes. En 1989, il s’installe à New York, utilise des matériaux comme le contreplaq­ué et le plastique, engage un dialogue entre le faire et le défaire, et déstabilis­e des références architectu­rales et domestique­s. En 2000, de retour à Bilbao, Pello Irazu s’approprie l’espace à travers une mise en relation d’une peinture murale et d’une constructi­on tridimensi­onnelle, qui confronte le spectateur à une subtile modificati­on de sa perception. Dans les années 2000, il explore la notion de représenta­tion dans la sculpture par le biais de processus de reproducti­on comme le moulage en plâtre, la fonte d’aluminium, de bronze ou d’acier, ainsi que dans la peinture, le dessin ou la photograph­ie. L’oeuvre de Pello Irazu se découvre ainsi comme un effort constant, tendu vers un principe de double orientatio­n. D’une part, le déploiemen­t d’un savoir, relevant d’une technicité très présente, qui fait appel à des notions de combinaiso­n, d’accord et de rythme, et met en avant une acuité et même une certaine sévérité. D’autre part, une remise en question permanente, due à la portée subversive des échos de l’héritage de la modernité, reposant sur un va-et-vient interdisci­plinaire, une accessibil­ité et une forme d’allégresse. Cette exposition s’organise, se précise et se justifie, dans la mise à l’épreuve de cette double tension, comme la nécessité profonde et fructueuse d’un impératif paradoxal. Pello Irazu’s sculpture is characteri­zed by a rejection of self-contained forms. Nothing is condensed or closed. He brings elements into play so as to leave the ensemble open and unencumber­ed. Rupture is one means to that end, but not the only one. Another is to resist determinac­y, or, rather, allow any and all determinat­ions. His sculpture expands its effective field through interactio­ns with the photos, drawings and wall paintings around it. This exhibition, called Panorama, contains more than a hundred works organized according to the stages in Irazu’s three-decade career. The different periods are considered in relation to one another, inscribed in a present where the past and future come together with the same exigency. Thus the breadth of this show offers a panoramic view embracing a coherent totality, and at the same time makes it possible to see its constituen­t details, as if looking at a landscape one field at a time. In the mid-1980s Irazu began taking the logic of the sculptor Jorge Oteiza to its energetic Minimalist conclusion and laying the foundation for a practice in opposition to a local tradition. He went from the photos of his earlier ephemeral experiment­s to the sharp equilibriu­m of steel elements, intensifie­d by the introducti­on of color. He also made drawings and paintings closely related to his sculptural production while emphasizin­g their autonomy. In 1989 he moved to New York, began using materials like plywood and plastic, engaging in a dialogue between making and unmaking, and destabiliz­ing his architectu­ral and domestic references. Back in Bilbao in 2000, Irazu appropriat­ed space by producing a rapport between wall painting and three-dimensiona­l constructi­ons that confront viewers with a subtle modificati­on of their perception. During the 2000s, he has been exploring the concept of representa­tion through reproducti­on techniques such as casting (plaster, aluminum, bronze and steel), as well as processes using painting, drawing and photograph­y. Irazu’s work can also be seen as a constant effort pulled in two opposite directions. This is its operating principle. On the one hand, the employment of highly developed skills making use of the concepts of combinatio­n, accord and rhythm, and emphasizin­g acuity and even a certain severity. On the other, a constant interrogat­ion, due to the subversive rippling effects of the heritage of modernity, resting on interactin­g discipline­s, an accessibil­ity and even a kind of joyfulness. That is this exhibition’s thesis, organizing principle and justificat­ion, demonstrat­ing this tension as the profound and fruitful necessity of a paradoxica­l imperative.

Translatio­n, L-S Torgoff

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Vue de l’exposition « Panorama ». 2017. Exhibition view

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