Christophe Duchatelet
Par-dessus ton épaule Grasset, 272 p., 18 euros
Par-dessus ton épaule explore les méandres de l’enfance, le sentiment d’étrangeté vis-à-vis du monde des adultes. Descendant dans l’esprit de Thomas, un enfant de dix ans, Christophe Duchatelet déplie la construction d’un monde à partir d’un manque, d’un malaise qui suscitent la recherche d’une issue. Le récit tisse les étapes d’une initiation qui rime avec la conquête de la liberté : incompris par ses parents, désarçonné par le réel, par les décollations perpétrées par les « fous de Dieu », Thomas cherche à tâtons un sens, une orientation, un éveil à d’autres dimensions de l’existence. La libération viendra d’une rencontre avec une femme qui deviendra sa mère de lait, d’une ouverture aux règnes animal et végétal. Petit Hamlet, Thomas n’est que questionnements. Comment habiter, fuir, recréer le monde qui nous est donné ? Que faire avec les pulsions de fugue, de meurtre qui l’animent? L’écriture tout en grâce et en effleurement cueille les tensions qui ravagent Thomas. Le parfum de l’enfance libère un espace-temps où tout est possible. Désaffiliation, largage des liens familiaux, quête d’une multimaternité… les âges de la vie que traverse Thomas sont autant de portes qui donnent sur l’ailleurs. Derrière les lois fossilisées des adultes, l’enfance surgit comme une donnée métaphysique qui restaure la magie de l’animisme. S’il y a une proximité avec Sa majesté des mouches par l’autonomisation d’un univers d’enfants bâti à l’écart des normes des adultes, il y a surtout une enfance de l’écriture qui recontacte l’horizon des expériences aurorales, des sensations non domestiquées. Ce livre campe la part intemporelle de l’enfance tapie au creux du geste d’écrire. Comme si l’enfance était le moteur, la source et la destination de la littérature. Une enfance toujours à venir.