Steinunn Sigurdardóttir
Maîtresses femmes Héloïse d’Ormesson, 224 p., 19 euros
« L’excès est inhérent à la vérité. » Ce sont des excès modestes que ceux auxquels se prête l’héroïne de Maîtresses femmes, sixième roman traduit en français de l’Islandaise Steinunn Sigurdardóttir. De terrasses de cafés parisiens en parcs naturels islandais, la route de cette vulcanologue un peu trop vieille et un peu trop grosse croise et recroise celle de la transsexuelle, avec qui elle a connu sa première expérience homosexuelle, devenue le fer de lance d’une conspiration féministe visant la conquête du pouvoir mondial. Seule l’éventualité d’un réveil du volcan Stóri-Stubbur parvient pourtant à secouer le détachement perplexe qu’elle oppose au monde, et qui constitue l’un des ressorts comiques de l’ouvrage. Déjà, en apprenant le suicide de son amant, le personnage du Voleur de vie se mettait au lit avec des biscuits et des romans policiers. La littérature scandinave jouit d’une longue tradition féministe. Loin de toute revendication, la cause de Sigurdardóttir semble cependant bien plus proche de celle de guérilleras du littéralisme comme Gertrude Stein, Laura Riding ou Hélène Bessette. L’aliénation est toujours affaire de langage, d’associations arbitraires de notions dont l’écheveau fonde un système de domination. L’indifférence un peu lasse des héroïnes de Sigurdardóttir oppose à ces dispositifs une résistance féroce. Ainsi, dans la vie d’une femme, l’homme qu’on préfère n’est pas toujours celui dont on est amoureuse, aucun des deux n’est peut-être celui avec qui il faudrait vivre, et tout cela n’a rien à voir avec le fait d’avoir un enfant ou non. Être homme ou femme ne revient jamais qu’à réinterpréter un rôle classique un peu élimé, qu’on serait peu avisé de trop prendre au sérieux. Si rien n’est vrai sauf l’excès, tout est permis.