François Brunet
La Photographie, histoire et contre-histoire PUF, 400 p., 27 euros
Rares sont les professeurs de littérature et civilisation anglophones qui ont contribué autant que François Brunet à mettre la photographie au coeur de leurs travaux. Depuis son marquant la Naissance de l’idée de photographie (2000), il avait publié un très riche Photography and Literature (2009) et dirigé l’Amérique des images (2013), qui introduisait aux études visuelles américaines. La Photographie, histoire et contre-histoire jette donc un pont entre Europe et Amérique, faisant alterner deux lignes historiques avec des positions contrastées sur la photographie documentaire, la place de l’art, l’idée de représentation du réel mais aussi la culture de la photographie : commerce, collections, stéréoscopie, illustrations, amateurs, clubs, médias, pour ne citer que quelques aspects parmi les nombreux abordés, et pour beaucoup centrés autour de la période 1850-1880. La dernière partie du livre est plus directement consacrée aux anti et contre-histoires – marginales ou ignorées – de la fin du 20 siècle. On retrouve, dans un mouvement de synthèse un peu compact, les relectures de l’histoire américaine par Michael Lesy, les controverses sur l’image-témoin et le photoreportage ou la singularité du regard de Roland Barthes. Nettement dominé par l’histoire américaine, l’ouvrage apporte un point de vue culturellement décentré sur les enjeux culturels de la photographie, avec des détails très précis. Mais si les luttes sociales et l’iconologie de la guerre traversent toute la réflexion de Brunet, on regrette que la question féminine soit absente, sauf à compter quelques lignes sur Susan Sontag. Cette contre-histoire là méritait pourtant sa place, dans la mesure où elle trouve aussi sa source dans la culture visuelle féministe américaine.