Momentum 9 : Alienation
Momentum kunsthall, Galleri F 15, House of Foundation / 17 juin - 11 octobre 2017
Neuvième édition de cette biennale consacrée aux pays nordiques, Momentum est une manifestation à échelle humaine dont l’un des intérêts est de résister aux mécanismes qui pèsent sur les grosses machines qui, de Venise à Cassel en passant par le Whitney, régissent le milieu de l’art contemporain. La ville de Moss, située à quelques dizaines de kilomètres au sud d’Oslo, est déconnectée des grandes artères de la création. Et cet emplacement géographique est à l’image de cette biennale fort séduisante. Exception faite de quelques noms, comme Wael Shawky, témoignant d’une résonance internationale, la plupart des artistes, majoritairement scandinaves, sont des inconnus en dehors de leurs frontières. Les thèmes et les problématiques qui leur tiennent à coeur relèvent cependant d’interrogations propres à un monde globalisé et en pleine mutation, dont les enjeux économiques, écologiques et sociaux traduisent des inquiétudes liées à un avenir incertain que même le fameux modèle scandinave n’est plus en mesure d’atténuer. Là où les biennales d’art contemporain ont pris le parti, ces dernières années, de jouer la carte d’une perméabilité à différents centres de création avec une ouverture de plus en plus prononcée et légitime sur l’hémisphère Sud, Momentum reste attaché à une homogénéité culturelle géolocalisée. Presque tous les artistes retenus par les commissaires, cinq au total, partagent en effet les mêmes repères. Et un attachement identique à un modèle économique, écologique, politique et social que les percées de l’ultranationalisme, le réchauffement climatique et la remise en question des acquis sociaux sont sur le point de bouleverser. Idem pour les liens forts au règne animal, aux cultures locales et à la nature qui transparaissent dans nombre de propositions, à commencer par l’une des pièces maîtresses de cette biennale, le Museum of Nonhumanity né de la collaboration entre Laura Gustafsson et Terike Haapoja, mettant en parallèle, sous forme de récits conjugués, les droits et destins des humains et non humains. Si cette installation est ambitieuse, nécessitant un espace d’exposition et des moyens techniques conséquents, la majorité des oeuvres sont modestes et anti-spectaculaires. Que l’on songe au diorama conçu par Jussi Kivi et inspiré de balades nocturnes dans les forêts du Nord. Le message est clair et plaide en faveur d’un respect de l’environnement. Pas de grand discours, ni de carcan théorique, mais l’évocation d’une nature menacée qui oblige le spectateur, plongé dans l’obscurité, à s’imprégner lentement de la vision qui s’offre à ses yeux. On pourrait mentionner d’autres oeuvres qui garantissent les mêmes effets, mais celle-ci, dans son humilité et sa probité, constitue une parfaite entrée en matière d’une manifestation qui, en dépit d’un contexte d’expositions estival et automnal très concurrentiel, n’a pas à rougir de son offre.
Erik Verhagen
The ninth edition (since 1998) of a biennial devoted to Nordic contemporary art, Momentum is an event on a human scale. One of the things that make it interesting is its resistance to the serious overloading of mega-biennials like Venice, Cassel and the Whitney that dominate contemporary art. The city of Moss, a few dozen kilometers south of Oslo, is loosely connected to the art world’s art power lines. Its almost isolated location is reflected in the biennial’s off-the-grid character, which makes it attractive. With the exception of a few internationally known figures like Wael Shawky, most of the artists shown here, largely Scandinavian, are unrecognized outside of the region. Still, the themes and questions they’re concerned with are in keeping with a globalized and constantly changing world whose uncertain future is reflected in growing economic, ecological and social angst that even the famous Scandinavian model can no longer soothe. Whe- reas the major contemporary art biennials have opted to become permeable to other creative centers, with an increasingly pronounced and legitimated opening to the global South, Momentum remains attached to a locally-centered cultural homogeneity. Almost all of the artists selected by the five curators share similar references and an affinity for an economic, environmental, political and social model now tottering in the face of the advances of ultra-nationalism, global warming and attacks on social benefits. A close bond with the animal world, local cultures and nature is also evidenced by many of the piece on view, most notably one of the outstanding pieces in this biennial, The Museum of Nonhumanity. The fruit of a collaboration between Laura Gustafsson and Terike Haapoja, it is a set of narratives drawing parallels between the rights and fates of humans and non-humans. While this installation is ambitious, requiring a major amount of major exhibition space and technology, most of the pieces here are modest and antispectacular. For example, take Jussi Kivi’s diorama inspired by nighttime walks through northern forests. The message is clear, a plea for respect for the environment. No grand discourse or high-falutin theoretical framework, just an evocation of the danger to nature that obliges visitors, plunged into darkness, to allow themselves to be slowly infused with the vision appearing before their eyes. Other works with similar effects could be mentioned, but this piece, with its humility and probity, constitutes the perfect introduction to an exhibition that , despite the highly competitive summer and fall festival context, has no reason to be anything but proud of what it has to offer.
Translation, L-S Torgoff