Wolfgang Tillmans
Fondation Beyeler / 28 mai - 1er octobre 2017
« L’impur, le contaminé, ce qui n’est pas fait pour aller ensemble, mais qui fonctionne quand même, est présent depuis toujours dans mon travail. Cela ne se passe pas seulement dans mes photographies, c’est aussi un aspect central de toutes mes ins- tallations. » On connaissait l’art de Wolfgang Tillmans en matière d’installation de ses photographies, il atteint ici une harmonie stupéfiante. Elles semblent soumises à un principe de mouvement, au sein de constellations poétiquement déliées. L’agencement des photographies permet d’alterner les différentes séries de manière non chronologique, questionnant tour à tour le devenir d’une époque ou le médium. De petites images directement scotchées au mur rappellent les mouvements de la jeunesse allemande de la fin des années 1990 ou de récentes contestations que le photographe aborde de manière documentaire. Tout doit rester dans le changement, les différences deviennent forces d’attraction entre des images de statuts, formats et supports hétérogènes, s’éloignant de l’idée d’unicité, tout en conservant un pouvoir de fascination, y compris lorsqu’il s’agit de simples photocopies encadrées. Dans ses premiers travaux, à la fin des années 1980, Tillmans utilisait les premiers photocopieurs Xerox qu’il était impossible de contrôler parfaitement. Cela produisait de constants changements dans le rendu des lumières, créant aléatoirement des imperfections et des traces : « Je trouvais absolument fascinant qu’une supposée machine froide ait une âme », explique Tillmans dans le catalogue (Hatje Cantz/Fondation Beyeler). Cette croyance s’articule avec un double intérêt pour les composantes du médium et pour la physicalité du support photographique que l’on retrouvera tout au long de ses productions, des célèbres Freischwimmer à la série Lighter qui matérialise le passage de l’image à l’objet tridimensionnel. À l’instar des monochromes sculpturaux de Lighter, ce sont bien ces images abstraites qui dialoguent le plus avec les oeuvres de la fondation. Ainsi une photographie de la série Silver provoque la réminiscence d’une toile de Rothko présentée non loin. Rappelons qu’en 2014 Tillmans avait déjà exposé quatorze photographies à la fondation, dont deux Freischwimmer qu’il avait agencés avec des peintures et des sculptures choisies par ses soins dans la collection. Les salles du bas ménagent quelques surprises, comme cette nouvelle installation vidéo proche du clip, dont la musique est composée par le photographe. Inspiré par la dialectique du contrôle et du hasard, le montage alterne photographies de policiers et de soldats avec des plans filmés sur une plage montrant l’écume soulevées par le vent, dans des échappées lyriques, incontrôlables.
Anne Immelé
“The impure; the contaminated, and all that which isn’t compatible but which functions just the same, were present in my art from the start. That doesn’t just happen in my photos; it’s also a central aspect of all my installations.” Wolfgang Tillmans is known for his masterful photographic installations, and this one is stunning. Differences become forces of attraction between images with diverse statuses, formats and supports and, while the idea of unity becomes remote, the fascination remains. In his early works, at the turn of the 1980s, Tillmans used the first Xerox photocopiers, which were impossible to properly control, meaning that the rendering of light was always varying and that the results were marred by flaws and traces. “I found it absolutely fascinating that a supposedly cold machine should have a soul,” he explains in the catalogue (Hatje Cantz/Fondation Beyeler). This belief combines with a twin interest in the components of the medium and in the physicality of the photographic support, which is something we find throughout his work, from the famous Freischwimmer to the Lighter series, which materializes the transition from the image to the three-dimensional object. Like the sculptural Lighter monochromes, it is these abstract images that dialogue the most with the works at the foundation. For example, a photograph from the Silver series stirs memories of a Rothko displayed a little way off. We may recall that in 2014 Tillmans exhibited fourteen of his photographs here, organizing a dialogue with paintings and sculpture that he himself chose from the works in the collection. The downstairs rooms offer quite a few surprises, like the new clip-like video installation with music composed by Tillmans himself. He is inspired by both control and chance, as in this new video installation that is much like a music clip (and in fact, he composed the piece’s music himself). The montage alternates photos of police in the line of duty and shots of sea foam raised by the wind in uncontrollable lyrical gusts. Translation, L-S Torgoff
(and C. Penwarden)