Art Press

Katharina Ziemke

Espace d’arts plastiques Madeleine Lambert / 13 mai - 8 juillet 2017

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Des années 1930 à 1980, la maison du peuple de Vénissieux abritait une salle de bal. La danse a aujourd’hui cédé la place aux arts plastiques. S’appuyant sur l’histoire du lieu, Katharina Ziemke fait remonter à la surface du temps les corps dansants, les couleurs, les lumières et les musiques. En entrant dans l’espace d’exposition, on saisit d’un regard l’ensemble des oeuvres : aux murs sont présentés des grattages et des encres de Chine, tandis qu’une sculpture en bois est disposée au sol. Au fond de la longue salle, un orchestre de jazz est figuré à l’encre de Chine sur papier, très grand format, dans lequel les musiciens ont une présence très forte. L’artiste, qui nous a peu habitués au portrait, travaille les visages de manière vibrante et mouvante. L’oeuvre est présentée là où l’orchestre jouait autrefois. On déambule au rythme d’une oeuvre sonore imaginée par Daniel Freitag. Les musiques d’antan semblent vouloir se réinscrire dans l’espace. À l’entrée de l’exposition, une photograph­ie en noir et blanc datée de 1983 (signée par Rajak Ohanian) évoque le passé de la salle calfeutrée d’une épaisse moquette et peuplée de danseurs et de danseuses âgés. Ce retour dans les méandres de l’histoire de ce lieu donne lieu à l’évocation de souvenirs réels ou fabriqués. Pour la réalisatio­n de ses grattages, Katharina Ziemke collecte des photograph­ies sur Internet. Elle en retravaill­e le cadrage pour en accentuer les mouvements et l’étrangeté. Sur le papier, elle déploie un camouflage de couleurs vives qu’elle recouvre d’une couche de cire noire. À la pointe de son couteau, elle gratte la cire pour faire remonter les images : des corps dansants, apprêtés, dont les visages sont presque tous absents. Les grattages associent les problémati­ques de la peinture abstraite et de la figuration. Les lieux et les époques sont difficilem­ent identifiab­les. Il faut avant tout se plonger dans la couleur et la lumière qui résistent à l’obscurité. Strate par strate et au moyen d’un outil inhabituel, l’artiste effectue une sorte d’archéologi­e des images. Dans un bois tendre, elle a sculpté deux corps dansants. Privés de leurs têtes, ils sont vêtus de tissus sur lesquels l’artiste a peint des motifs colorés. Parce qu’elle se refuse au confort technique, elle accorde une place majeure à l’expériment­ation. Chacun de ses choix implique une part d’imprévisib­le, voire d’improvi- sation pour faire un parallèle avec la musique jazz. Le mouvement et la lumière proviennen­t de sa fascinatio­n pour les arts de la scène (théâtre, magie, cirque, danse), auxquels elle retire la part de spectacle, mais en retient le versant mystérieux. Tout ce qui relève du divertisse­ment est ainsi mis à l’épreuve d’une réflexion complexe où s’enchevêtre­nt le passé et le présent, l’inconscien­t et le conscient, le réel et la fiction.

Julie Crenn

From the 1930s to the 1980s, the Maison du Peuple in Vénissieux housed a ballroom. Today, art has given way to the visual arts. Katharina Ziemke has worked with this history by conjuring up a world of dancing bodies, colors, light and music. Entering the exhibition space, we taken in the whole ensemble: on the walls are grattages and works in Indian in, and a wooden sculpture sits on the floor. At the end of the long room, there is very large-format piece of a jazz band in Indian ink on paper, exuding a strong sense of presence. This artist, who has rarely shown portraits before, uses a vibrant, shifting technique in her handling of faces. The work is presented exactly where the band used to play. Our movement is accompanie­d by the rhythm of a sound piece conceived by Daniel Freitag. It’s as if the music from the past is trying to reassert itself in space. At the entrance to the exhibition, a black-and-white photo from 1983 (by Rajak Ohanian) evokes the past of the room, seemingly cushioned by plush carpet and people by elderly ladies and gents cutting the rug. This return to the meanders of history of the place gives rise to the evocation of memories both real and fabricated. To make her grattages, Ziemke collected photograph­s on the Internet. She then recropped them to highlight the movements and the strangenes­s. On paper, she deploys a camouflage of bright colors, which she covers with black wax. Using the tip of her knife, she scrapes the wax to bring the images to the fore: the dancing bodies, all dressed up, but the faces nearly always absent. These scraped works combine the problemati­cs of abstract painting and figuration. Places and periods are hard to identify. The main thing is to immerse ourselves in the color and light, which resist darkness. Stratum by stratum, using an unusual tool, the artist carries out a kind of archeology of images. Two dancing bodies are sculpted in soft wood. Deprived of their heads, they are dressed in fabrics on which the artist has painted colored motifs. Ziemke is not one for technical reassuranc­es; she likes to experiment, and each of her choices implies an element of unpredicta­bility or even improvisat­ion, which here parallels the jazz. The movement and light come from her fascinatio­n with the performing arts (theater, magic, circus, dance), which in her use lose their spectacle side but remain mysterious. The element of divertisse­ment is thus subjected to a complex set of questions in which past and present, real and fiction intertwine.

Translatio­n, C. Penwarden

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« One O’Clock Jump ». 2017. Vue de l’exposition. Exhibition view Au mur : « The Band ». 2017. Encre de Chine sur papier. (Court. de l’artiste). China ink on paper
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