Dioramas
Palais de Tokyo / 14 juin - 10 septembre 2017
Dioramas (commissaires Claire Garnier, Laurent Le Bon et Florence Ostende) se situe dans la catégorie d’expositions dans lesquelles l’art contemporain, les sciences humaines, techniques et naturelles sont réunis pour développer un même propos. Il s’agit de présenter une histoire manquante du diorama, représentation grandeur nature de l’histoire naturelle ou sociale du monde, et d’en montrer les enjeux : la capacité à mettre en scène un savoir pour le rendre accessible ; la force d’illusion, cachant les fortes idéologies qui le sous-tend. Connaissance ou leurre, la frontière est complexe. Divisé en six parties, le parcours remonte aux débuts de ce format jusqu’à aujourd’hui. On découvre comment l’église catholique s’en est emparée pour diffuser ses idées au 16e siècle, la naissance des dioramas humains à l’époque coloniale, l’histoire du fameux Carl Akeley qui créa les très célèbres dioramas du musée d’histoire naturelle de New York, la mise en scène des cultures par Georges Henri Rivière, la création du musée des Arts et Traditions populaires, etc. On est ébloui par la beauté des travaux de taxidermie des Anglais Edward Hart et Rowland Ward : le choix délicat des décors, la beauté des lignes et des pelages, la dynamique des animaux en corps à corps. On nage en plein romantisme de la nature, pour le bonheur des visiteurs, petits et grands. Ce parcours est ponctué d’oeuvres contemporaines qui, parfois, peinent à s’imposer. On regrette la sinuosité et le peu de lumière qui étouffent quelque peu les pièces. L’envergure de l’exposition aurait nécessité plus d’espace pour prendre corps. Mais on apprécie pour elles-mêmes de nombreuses oeuvres qui ouvrent l’imaginaire des dioramas, et le nôtre : les photographies délicates de Robert Gober, celles, évanescentes, de Hiroshi Sugimoto, les romantiques de Diane Fox, les piquantes de Richard Barnes. Pour finir, la partie contemporaine respire beaucoup plus, initiée par la très belle production fantomatique de Tatiana Trouvé. Il s’agit de montrer comment les artistes se sont emparés du diorama à l’heure où le format du dispositif s’étend, et où l’illusion devient une notion désuète. Si l’on s’éloigne parfois du sujet avec des maquettes, des sculptures à échelle 1, on apprécie aussi la qualité de plusieurs oeuvres, comme la critique sociale de Mark Dion, ou celle, postcoloniale et féministe, de Kent Monkman. Enfin, on est heureux de retrouver l’irrévérence académique avec la très grande projection de The Truman Show, où le personnage principal découvre qu’il vit dans un monde artificiel. Moment épique, mais aussi de grâce avec cette main posée contre le mur, la limite artificielle de son monde. Le diorama, cet « objet magique » de l’époque, devient, par ce projet, une matrice à prendre conscience des idéologies, illusions, et rêves de notre monde passé et contemporain.
Flora Katz
Dioramas (curated by Claire Garnier, Laurent Le Bon and Florence Ostende) is one of those exhibitions when contemporary art comes together with the sciences (human, technological and natural) to explore a theme, in this case the history of the diorama, a form of life-size representation of natural or social history, and to explore the issues: how to present knowledge in a way that is accessible, the power of illusion, the powerful ideologies implicit in such devices. The line between knowledge and deceit can be a fine one. Divided into six sections, this show follows the development of this form from its origins to the present. We see how the Catholic Church used this form to disseminate its ideas in the sixteenth century, the creation of the diorama in the colonial period, the story of Carl Akeley who created the famous dioramas at the natural history museum in New York, the creation of the Musée des Arts et Traditions Populaires in Paris, etc. We are dazzled by the beauty of the taxidermic work by the Englishmen Edward Hart and Rowland Ward: the delicate choice of the decors, the beauty of the lines and fur, the dynamic interaction of their forms. This is a pure celebration of Romantic nature, for the pleasure of visitors both young and old. This sequence is punctuated by contemporary works that sometimes struggle for attention. They are also smothered a bit by the convoluted and dimly lit display. This is a big show in a somewhat cramped setting. Still, we can enjoy a number of works that open up the imaginary resonances of the diorama: the delicate photographs of Robert Gober, evanescent ones by Hiroshi Sugimoto, romantic ones by Diane Fox, piquant ones by Richard Barnes. At the end, the contemporary part breathes more easily, set off by Tatiana Trouvé’s very fine, ghostly production. The idea here is to show how artists have approached the diorama in an expanded field and at a time where illusionism has a very different meaning, making its original one rather quaint. If the maquettes and actual-scale sculptures stray somewhat from the subject, we can also appreciate the quality of certain works, and notably the social critique of Mark Dion, and the postcolonial and feminist critique of Kent Monkman. Finally, it is nice to rediscover a bit of academic irreverence with the big screening of The Truman Show, in which the main character discovers that he has been living in an artificial world. It is an epic moment, but also a moment of grace, with that hand placed against the wall, the artificial limit of his world. In this show the diorama, that “magical object” of its day, becomes a machine for exploring the ideologies, illusions and dreams of our world, in the past and in the present.
Translation, C. Penwarden