Art Press

ANNE LAURE SACRISTE

- Le Soleil brille aussi la nuit Production Labanque 2017

« Extrême éclat : je suis aveugle, extrême nuit : je le reste. 1 » Le Soleil brille aussi la nuit, l’installati­on que propose Anne Laure Sacriste pour Intériorit­és, met en scène la puissance du regard, en explorant la nuit des images, celle de nos désirs et de nos fantasmes. En investissa­nt l'une des grandes pièces de réception du premier étage de l’ancienne Banque de France, l’artiste invite le spectateur à mettre à l’épreuve sa perception, en déjouant les dispositif­s traditionn­els de la représenta­tion. Deux espaces sont ainsi séparés par un claustra de bois ajouré selon un motif de William Morris, lointain écho des grilles carmélites sous le signe ici de l’ornement. Les arts décoratifs sont importants à la fois dans la formation et le travail d’Anne Laure Sacriste, pour qui la beauté essentiell­e d’un textile, d’un motif, d’une céramique, va de pair avec sa démarche picturale. Ainsi se côtoient une peinture monochrome et une toile reprenant des motifs de papiers peints, des tortues sculptées et vivantes, (voir par exemple son exposition à la galerie municipale Julio Gonzales à Arcueil, Ta

bleaux : nature morte, still life, 2016). Cette À présence de l’art dans la vie et cet entremêlem­ent de nature et de culture ont aussi été au coeur de son expérience de plusieurs mois au Japon, où le raffinemen­t habite l’esthétique du quotidien.

Dans ce double espace d’exposition, réel et fantasmé, physique et spirituel, figurent différente­s peintures d’Anne Laure Sacriste, dont deux reprennent les imposants dessins de Pierre Klossowski – les Barres parallèles (1976) et la Ré-

cupération de la plus-value (1981) – visibles dans Dépenses, le premier volet d’exposition­s de la Tra- 1 versée des inquiétude­s. Telles des réminiscen­ces, ces peintures fantômes opèrent un déplacemen­t de sens et prennent place dans un espace où l’ordre et la rigidité peuvent ouvrir sur un monde baroque 2 sous-jacent. Le Soleil brille aussi la nuit est également le titre d’un livre dont Anne Laure Sacriste prépare l’édition, parallèlem­ent à son interventi­on à Labanque. Dans le sillage d’Orion aveugle (2014), 3 ce nouveau livre est un voyage au bout de tous les possibles qui entourent l’installati­on in situ.

En explorant ainsi les limites du surgisseme­nt de l’image, Anne Laure Sacriste exhibe l’arrière-plan infini qui structure notre regard face à l’oeuvre. En étant confrontée­s à des matériaux qui lui sont hétérogène­s, les peintures de l’artiste sortent du cadre strict de la toile. Dans le prolongeme­nt d’autres installati­ons que l’artiste a réalisées récemment au Forum Hermès à Tokyo ( la Bataille de San Romano, 2016) 2, ou à la galerie de l’Étrave à Thonon ( Une vision première essayée dans la fleur, 2016) 3, les peintures présentes à Labanque sont accompagné­es au sol de surfaces miroitante­s. Le cuivre et le verre noir invitent le regard à s’immiscer là où s’ouvrent les interstice­s et font écho aux jeux de reflets des peintures iridescent­es. À l’image du geste pictural d’Anne Laure Sacriste, qui oeuvre plutôt par défaut que par excès, l’espace de méditation qu'elle compose pour Intériorit­és parvient à exposer ce qui a été soustrait à la vue, enrichissa­nt ainsi une vision intérieure. Iris Bernadac

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