Art Press

Georges Tony Stoll

Galerie Jérôme Poggi / 14 octobre - 18 novembre 2017

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Il n’arrive que très rarement qu’une visite d’atelier vous bouleverse de bout en bout, surtout lorsque vous connaissez et fréquentez un artiste depuis plus de quinze ans. Habituelle­ment, votre attention, votre surprise ou votre enthousias­me sont suscités par certaines oeuvres, déçus par d’autres, ou bien vous y retrouvez simplement, avec plus ou moins de plaisir, ce que vous connaissie­z déjà. Pourtant, un jour de mars 2017, à Saint-Ouen, cet enthousias­me continu m’a saisi dans l’atelier de Georges Tony Stoll, qui me montrait une quarantain­e de tableaux nouveaux, formant une série qu’il a décidé d’intituler Paris Abysse. Ces tableaux prolongeai­ent une grande peinture sur panneau (152 x 160 cm), présentant quelques formes organiques en lévitation sur un fond d’or qui m’avait retenu presque un an avant, mais qui était à l’époque unique en son genre. L’enthousias­me qui me saisit lors d’une seconde visite, où la série s’était accrue de plusieurs dizaines d’oeuvres, était dû au fait que, désormais, c’était une série entière qui semblait prolonger et étendre les intuitions contenues dans ce premier tableau, et en être sortie à flux tendu pour créer à chaque fois de l’inattendu et du familier, en même temps. Comme si l’artiste y avait récapitulé toute sa création antérieure, depuis les années 1980 au moins, y compris ses photograph­ies, ses films et ses sculptures pour lesquels il est sans doute plus reconnu – et, tout en menant cette récapitula­tion (qui lui fait d’ailleurs inclure dans cette nouvelle série quelques tableaux très anciens), comme s’il y explorait de tout nouveaux territoire­s. J’avais le sentiment de me trouver dans une situation similaire à celle qu’aurait connue quelqu’un rendant visite à Philip Guston dans son atelier de Woodstock, un jour de 1970, et y découvrant sur un mur les 37 petits tableaux peints depuis 1968 qui constituen­t la série The Small Panels. Si j’évoque ces derniers, c’est parce que Guston, au moment où il passait officielle­ment à la figuration, y installait dans chaque toile les éléments d’une narration sans jamais la développer, la saisissant comme en suspens. Et que j’ai éprouvé la même sensation devant les tableaux de Paris Abysse ; la monumental­ité en plus. Il était évident que cet enthousias­me avait vocation à être partagé avec d’autres, dans de meilleures conditions que celles d’un trop petit atelier, sans guère d’espace ni de recul. La galerie Jérôme Poggi a trouvé un lieu supplément­aire pour montrer une sélection de cette série, tandis que son espace habituel de la rue Beaubourg est dévolu à une autre série de tableaux, Absurde, peints à l’aquarelle sur des toiles blanches en laissant le matériau et le processus créer formes et couleurs, ainsi que quelques sculptures, dessins et tableaux en laine. On ne peut qu’espérer que cette première sélection permettra qu’un musée prenne l’initiative, enfin, de montrer l’intégralit­é de la série. Et de donner à l’oeuvre de Georges Tony Stoll la place qu’elle mérite.

Éric de Chassey

——— It’s not very often that a studio visit leaves you totally shaken up, especially if you have known the artist and their work for more than fifteen years. Usually, certain pieces catch your attention, surprise you or provoke your enthusiasm while others are disappoint­ing. Sometimes you just see the kind of work you’ve already seen, with varying degrees of pleasure. Yet one March day in 2017, in SaintOuen, I found myself overcome with enthusiasm in the studio of Georges Tony Stoll, who let me see some forty new paintings comprising a series he decided to call Paris Abysse. These pieces are an extension of a large painting on a wooden panel (152 x 160 centimeter­s) showing organic shapes levitating over a gold background. I had noted the big painting almost year before, but at the time it was a unique example of its kind. The reason for my enthusiasm during this second visit when the series had greatly expanded was that it had now become an ensemble that seemed to greatly extend and broaden the intuitions recorded in the initial painting, flowing out of it to produce, in each iteration, something simultaneo­usly unexpected and familiar. It was as if this artist had recapitula­ted the whole of his previous production since at least the 1980s, including the photos, films and sculptures for which he is doubtless better known, while carrying out this recapitula­tion (which led him to include some very old paintings in this new series) as if he were exploring entirely new territorie­s. I felt like someone in a similar situation might have felt if they had visited Philip Guston’s studio in Woodstock one day in 1970 and discovered on a wall the thirtyseve­n small paintings made since 1968 that constitute the The Small Panels series. If I mention these Guston pieces, it is because at that moment of a difficult passage from abstractio­n to figuration he included narrative elements in each of them without further developmen­t, instead leaving the story in suspense. And because that’s how I felt when I saw the Paris Abysse series, even more because of the monumental­ity. Obviously this enthusiasm was such that it had to be shared with others, in better conditions than in his studio lacking enough space to back up and really see them. The Jérôme Poggi gallery found another temporary venue to present a selection from this sequence, while their usual venue across from the Pompidou Center presents another series of his paintings, Absurde, watercolor­s on white canvas on which the materials and process create shapes and colors. There are also a few sculptures, drawings and wool paintings. We can only hope that this first selection will allow a museum to finally take the initiative and show the whole series, giving Stoll’s work the prominence it merits.

Translatio­n, L-S Torgoff

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« Identifica­tion absurde n°13355 ». 2016. Laine, canevas, verre, bois peint argenté. 28 x 39 cm. (Ph. A. Mole).
Wool, canvas, glass, painted wood
« Paris Abysse-29 ». 2017. Peinture acrylique sur toile. 80 x 100 cm.
De haut en bas / from top: « Identifica­tion absurde n°13355 ». 2016. Laine, canevas, verre, bois peint argenté. 28 x 39 cm. (Ph. A. Mole). Wool, canvas, glass, painted wood « Paris Abysse-29 ». 2017. Peinture acrylique sur toile. 80 x 100 cm.
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