Wyndham Lewis
Tarr Pierre-Guillaume de Roux, 396 p., 25,90 euros
Paru en 1918 mais écrit entre 1910 et 1914, Tarr est le premier roman de Wyndham Lewis, plus connu comme artiste et théoricien, notamment du mouvement vorticiste. Outre leur anti-communisme et leur anti-psychologisme, ses membres partagent une certaine brutalité à l’encontre des conventions du roman traditionnel, une volonté d’être « des mercenaires du monde moderne ». Bernard Lafourcade, le traducteur et préfacier du roman, fait un parallèle avec Amants et Fils de D.H. Lawrence et Portrait de l’artiste en jeune homme de Joyce. Mais il montre tout ce qui sépare Tarr de ces ouvrages. Et s’il s’agit bien, en effet, de la forme classique du « roman d’un apprentissage », il met en évidence la richesse et l’originalité du texte de Lewis où se rencontrent toutes les avant-gardes d’alors. Soit une écriture qui se caractérise ainsi : « compartimentage hiérarchique ; exacerbation de l’instant ; parade sexuelle ; primitivisme magique et imbécile ; combat du dérisoire et du tragique ». Bien qu’il soit assez long, Tarr procède par séquences brèves, chapitres et phrases qui ricochent pour constituer des fragments d’analyses ironiques, dans un processus d’autocréation sarcastique. Tout se passe comme si Tarr livrait de l’activité à l’état pur. Quatre personnages se disputent le premier plan, et constituent un milieu, celui de la bohème artistique parisienne. Dénués d’intériorité, ce sont des « esprits hyper-énergétiques », balayant « un monceau d’inepties dans le genre culturel, le genre bohème, le genre romantico-tennysonien, le genre artiste, le genre salonnard, le genre salopard ». Comme Ezra Pound le souligne, Tarr n’a pas de dedans : « L’art véritable ne doit pas avoir de dedans, rien qui ne se voie. Ce n’est pas un semblant de machine que déclencherait un petit dedans égoïste. »