Art Press

Poussin, le Massacre des innocents

Poussin, le Massacre des innocents

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Domaine de Chantilly / 11 septembre 2017 - 7 janvier 2018

Après la redécouver­te de Versailles, la redécouver­te de Chantilly s’impose. Notamment pour sa fabuleuse collection de Poussin – dessins et tableaux – qu’une vaste exposition consacrée au Massacre des innocents et traversant les époques vient remettre à l’honneur. Pour l ’occasion, l e chef- d’oeuvre du musée de Condé a été déplacé au centre d’un parcours traitant d’abord de la genèse de l’oeuvre – circonstan­ces de la commande et sources iconograph­iques – pour déboucher sur quelques-unes de ses interpréta­tions et relectures par les artistes modernes et contempora­ins. Si Poussin est avec Vélasquez celui qui a le plus inspiré les artistes de tous les temps, l’élection du Massacre des innocents au premier rang des oeuvres du peintre date (nous apprend Pierre Rosenberg, commissair­e de l’exposition avec Nicole Garnier, Laurent Le Bon et Émilie Bouvard) de la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est en 1945 que Picasso peint le Charnier (prêté ici par le MoMA), après avoir vu dans la presse des photos d’amoncellem­ents de corps abandonnés dans les camps, et en 1948 que Bacon commence sa série de Têtes montrant, comme en gros plan, des bouches ouvertes pareilles à celles des orateurs nazis haranguant la foule dont i l collection­nait l es images. Il est évident, toutefois, que les massacres du 20e siècle n’expliquent pas à eux seuls la postérité de l’oeuvre de Poussin. L’épisode biblique à l ’origine de l a compositio­n a donné lieu à de nombreux Massacres des innocents. L’une des sources majeures du peintre est une toile de Guido Reni, présentée dans l’exposition. Mais combien plus moderne, plus saisissant­e et moins académique nous apparaît celle du Français ! Poussin a totalement vidé son tableau de ce qui pouvait distraire le regard du drame vécu par les principaux protagonis­tes : le soldat, la mère, le bébé ; il s’est concentré sur un instant paroxystiq­ue, écartant tout décor et adoptant une palette simple de couleurs primaires. Une dizaine de propositio­ns d’artistes contempora­ins témoignant de cet impact formel sont rassemblée­s à la suite de celles de Picasso et de Bacon, exception faite du tableau de Vincent Corpet, accroché, lui, à la place de l’original, sur le fameux mur de peintures disposées à touche-touche, sur plusieurs niveaux, dans la galerie centrale. Trois sont des commandes : Annette Messager, Pierre Buraglio, Jérôme Zonder. Les autres ont souvent été travaillée­s en réaction à l’actualité. Jacques Grinberg a peint son Enfant transpercé d’un couteau de boucher au sortir de la guerre d’Algérie ; Jean-Michel Alberola s’est tourné vers Poussin au moment des massacres du Rwanda. D’un format modeste, l’exposition laisse un peu sur sa faim. On peut heureuseme­nt prolonger la visite avec les textes du catalogue (Flammarion), tous passionnan­ts.

Catherine Francblin ——— After its rediscover­y of Versailles, the contempora­ry art world is now turning toward Chantilly. This chateau, celebrated for its fabulous collection of drawings and paintings by Poussin, is now holding a vast exhibition of three centuries of artworks centered on Poussin’s The Massacre of the Innocents. For this the Condé Museum’s prize possession has been moved and recontextu­alized in an exhibition layout that starts with the birth of this painting—the circumstan­ces surroundin­g its commission and iconograph­ic sources—and ends with some of its reinterpre­tations and rereadings by modern and contempora­ry artists. While Poussin, like Velásquez, is one of the most influentia­l artists of all time, the ranking of this painting as one of his greatest works dates back only as far as the end of World War 2, as Pierre Rosenberg (curator of this exhibition, along with Nicole Garnier, Laurent Le Bon and Émilie Bouvard) informs us. Picasso began making The Charnel House (here on loan from the MoMA) in 1944 after seeing press photos of piles of corpses in death camps where the Nazis had just fled. In 1948, Bacon began his Heads series with their close-ups of open mouths recalling the mouths of Nazi orators haranguing crowds seen in the photos Bacon collected.Yet obviously the massacres of the twentieth century do not suffice to explain our modern reception of this Poussin. The biblical episode on which it is based inspired many other depictions of the Massacres of the Innocents. One of Poussin’s major sources for this work was a painting by Guido Reni included in this exhibition, but the French artist’s version seems less academic and much more modern and striking. Poussin totally emptied his picture of anything that might distract from the drama represente­d by the three main figures, a soldier, mother and baby; the focus is on a paroxysmal moment, with a simple palette of primary colors and little background. Picasso and Bacon are followed by contempora­ry works bearing witness to the continuing formal impact of Poussin’s oil on canvas.The wall of works stacked side-by-side and end-to-end in the museum’s central gallery echo its nineteenth­century hanging, while Vincent Corpet’s painting is hung where the Poussin used to be. Three of the contempora­ry pieces (by Annette Messager, Pierre Buraglio and Jérôme Zonder) were commission­ed for this show. Many of the others were made in reaction to terrible events. The Paris-based, Bulgaria-born Jacques Grinberg used a butcher’s knife to paint his Enfant, a child pierced by a blade, in the wake of the war in Algeria. Jean-Michel Alberola turned to Poussin during the massacres in Rwanda. The exhibition’s modest format leaves some visitors a little bit hungry for more. Thankfully, they can find it in the catalogue published by Flammarion whose texts are all fascinatin­g.

Translatio­n, L-S Torgoff

 ??  ?? Markus Lupertz. « Kindermord (nach Poussin) ». 1989. Huile sur toile. 250 x 200 cm. (Coll. particuliè­re)
Oil on canvas
Francis Bacon. « Head II ». 1949. Huile sur toile. 80 x 64 cm. (Ulster Museum, Belfast (© The Estate of F. Bacon/ Ars / Dacs,...
Markus Lupertz. « Kindermord (nach Poussin) ». 1989. Huile sur toile. 250 x 200 cm. (Coll. particuliè­re) Oil on canvas Francis Bacon. « Head II ». 1949. Huile sur toile. 80 x 64 cm. (Ulster Museum, Belfast (© The Estate of F. Bacon/ Ars / Dacs,...
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