Art Press

Franck Gérard.

- Pascaline Vallée

À l’été 1999, Franck Gérard entame la série photograph­ique En l’état, toujours en cours aujourd’hui. Il capture des instants du monde, et ce faisant, déplace le regard que l’on porte sur la présence des êtres et des choses.

Né en 1972, Franck Gérard entre à l'École régionale des beaux-arts de Nantes à 18 ans, en 1990. Les années qui suivirent furent pour lui un moment fondateur, tant sur le plan artistique que personnel. En plus de rencontres fortes, il retiendra de cette « école de la vie » la manière d’avoir un positionne­ment fort et engagé dans son travail. S'il a eu plaisir à goûter à toutes les discipline­s proposées par l'école, Franck Gérard se consacre depuis 1999 à la photograph­ie. Le 13 juillet de cette année-là, il achète un appareil. Ce sera le début de sa série En l'état, encore en cours aujourd'hui. Réagissant à la lumière d'un instant, il prend des images de ce qu’il croise sur son chemin, que ce soit à Nantes où il vit tou- jours, ou ailleurs, sans intervenir ni créer de mise en scène. Parler de la poésie du banal serait pour lui réducteur, tant les instants fixés sont troublants, étonnants, ou bien touchants. Personnage singulier, objet incongru, rencontre inhabituel­le de lignes ou accumulati­ons... Les situations qu’il montre perturbent l'ordinaire. Ce décalage est parfois frappant, d'autres fois plus discret, facile à manquer si on n'y a pas l'esprit ouvert. Contre le culte du spectacula­ire, En l'état fait l'éloge de l’évènement du quotidien. Photograph­ier le monde est une manière de forger et de vérifier la compréhens­ion qu'on en a. Mais cette chasse aux instants magiques suit aussi le chemin que l'écrivaine Belinda Cannone a défini comme celui de l'« émerveille­ment » : « Je regarde la haie que je connais si bien et qui n'a rien de remarquabl­e – aubépines, prunellier­s, ronces, fouillis, piquants –, mais le soleil couchant l'éclaire, et soudain je m'émerveille car je la vois. Mon sentiment n'est pas lié à sa nature remarquabl­e ou surprenant­e mais à ma capacité à la voir vraiment. C'est-à-dire à la voir pour ellemême, dans la force de son existence. S'émerveille­r, c'est d'abord saisir la présence des choses et des êtres. » (1) La photograph­ie de Franck Gérard montre des hommes dans leur seule présence, avec toutes leurs forces et leurs faiblesses. En l'état, série aussi obsessionn­elle que diverse, est traversée par de multiples thèmes, notamment ceux de l'errance ou du territoire, qui firent l'objet de travaux spécifique­s. Ses photograph­ies ont été exposées au Lieu Unique à Nantes, à la Fondation d’entreprise Ricard à Paris, au Centre Georges Pompidou-Metz, ou récemment au Havre, où il s'est promené De rade en rade... En 2013, son travail a également fait l’objet d’une commande publique du ministère de la Culture et de la Communicat­ion et du Centre national des arts plastiques (CNAP). Réalisée à Marseille, elle a été présentée au Frac Provence-Alpes-Côte d'Azur sous le titre : Manifester. En l’état, une enquête poétique.

(1) Belinda Cannone, S'émerveille­r, Stock, 2017.

In summer 1999, Franck Gérard started work on a photograph­ic series En l’état, that is still in progress today. He captures moments in the world and, in doing so, displaces the gaze that we place on the presence of beings and things. Born in 1972, Franck Gérard entered the École Régionale des Beaux-Arts de Nantes at the age of 18, in 1990. The years that followed were both artistical­ly and personally formative. In addition to the many stimulatin­g encounters, this “school of life” taught him how to articulate and maintain a strong, engaged position in his work. While he enjoyed trying all the different discipline­s offered by the school, since 1999 Gérard has concentrat­ed on photograph­y. On July 13 that year, he bought a camera and began work on a series, En l'état [As is], that he continues to develop today. Responding to the light at a given moment, he takes pictures of what comes within his view, whether in Nantes, where he still lives, or elsewhere. He does not intervene in or arrange these images, and yet to speak of the “poetry of the banal” would be highly reductive when we consider how troubling, surprising or indeed touching these frozen moments can be. A singular figure, a strange object, an unusual compositio­n of lines or accumulati­on—the situations he shows are ones that perturb the ordinary and, at the same time, make it leap out, stand aside from itself. This discrepanc­y can be striking or more discreet, easy to miss if not approached with an open mind. Against the cult of the spectacula­r, En l'état is an encomium of the everyday. Photograph­ing the world is a way of forging De haut en bas / from top: « En l’état ». 13 juillet 1999 - aujourd’hui. Rue François Coppé, Nantes. 2004. (© Franck Gérard). “As is”

« En l’état ». 13 juillet 1999 - aujourd’hui. Rue des usines, Nantes. 2012. (© Franck Gérard). “As is” and checking our understand­ing of it. But this hunt for magic moments also follows the path that the writer Belinda Cannone has defined as that of “marveling”: “I look at the hedge that I know so well and that is not out of the ordinary in any way—hawthorn, blackthorn, brambles, tangles, stingers—but the setting sun shines on it and suddenly I marvel because I see it. My feeling is due not to its extra ordinarine­ss but to my capacity to really see it, that is, to see it for itself, in the power of its existence, in its presence. To marvel is above all to grasp the presence of things and beings.”(1) Franck Gérard’s photograph­y shows men in their simple presence, with all the strength and weakness that this exudes. En l'état, a series that is as obsessive as it is diverse, is informed by multiple themes, notably those of childhood and the territory, on which Gérard has also produced specific works. His photograph­s (sometimes commission­ed or taken during residencie­s) have been shown at Lieu Unique in Nantes, at the Fondation d’entreprise Ricard in Paris, at the Centre Georges Pompidou-Metz, and in Le Havre, as part of the “De rade en rade” event. In 2013 he was commission­ed by the Ministère de Culture et de la Communicat­ion and the Centre National des Arts Plastiques (CNAP) for a work made in Marseille and presented at FRAC Provence-Alpes-Côted’Azur under the title Manifester, En l’état, une enquête poétique.

Translatio­n, C. Penwarden

(1) Belinda Cannone, S'émerveille­r, Stock, 2017. Franck Gérard Né en 1972. Vit à Nantes et travaille in situ. Diplômé de l’École des beaux-arts de Nantes (DNSEP) en 1997. Dernières exposition­s personnell­es : 2013 En l’état. User les images, Cité des Arts de la Rue, Marseille 2014 Twenty-six days, Galerie melanie Rio, Biennale de Belleville, Paris ; Un paysage, des artistes 18052014, La Garenne Lemot, Gétigné ; ICONOCLAST­IE. En l’état 13 juillet 1999 - Aujourd’hui, Galerie melanie Rio, Nantes. Dernières exposition­s collective­s : 2014 En situations, FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille ; Aux frontières de l’intime : les photograph­es et leurs enfants, Musée Français de la photograph­ie, Bièvres ; Paris Photo, Galerie melanie Rio, Grand Palais, Paris 2015 Le Laboratoir­e de Monsieur Deshimaru, Galerie melanie Rio, Nantes, Officielle, événement de la FIAC, Paris.

 ??  ?? « En l’état ». 13 juillet 1999 - aujourd’hui. CHU de Nantes. 2010. (© Franck Gérard & LVAN). “As is”
« En l’état ». 13 juillet 1999 - aujourd’hui. CHU de Nantes. 2010. (© Franck Gérard & LVAN). “As is”
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