Julien Nédélec.
Abolissant les frontières entre peinture, sculpture et design, les motifs et logotypes de Julien Nédélec composent un lexique à part entière, langage de signes géométriques où le calcul préexiste à la forme.
Dans son système de représentation graphique, qui revêt des formes très hétérogènes, Nédélec établit des équations traduites en formes tridimensionnelles. D’une précision absolue, son travail repose sur un principe d’analogie formelle ou linguistique qui doit autant à Richard Tuttle qu’à Sol LeWitt, à François Morellet qu’à Guy de Cointet. Ses modules combinant bois et acier, enduits d’une peinture laquée, s’encastrent, s’emboîtent et s’entrecroisent selon des combinaisons visuelles et des jeux de correspondance, dans une gamme de couleurs primaires et tranchées. Mais a contrario du minimalisme, qui considérait la forme comme fin esthétique en soi, chacune de ses oeuvres recèle un raisonnement caché et offre une grille de lecture autre que strictement plastique. Peintures ou sculptures aux à-plats monochromes, ces glyphes et autres diagrammes peuvent évoquer les pièces d’un tangram ou les pliages de l’origami, combinables à l’infini. À la différence près qu’ils s’apparentent chez Nédélec à la conversion picturale d’un phénomène d’ordre physique, acoustique ou cognitif, dont l’artiste a le plus souvent fait l’expérience dans sa vie quotidienne. Disposés comme les structures de jeux d’un parc pour enfants ou comme une collection de logos signalétiques indéchiffrables, ces ensembles de formes hétérogènes sont établis à partir de la conversion en volume et en couleurs de symboles scientifiques, de formules mathématiques, d’ondes sonores, de typographies ou d’unités de mesure, sur le modèle des Stoppages-étalon de Duchamp. Dans une volonté de s’accaparer le processus de fabrication de Aà Z et de tourner en dérision le caractère rigide et austère de l’art minimaliste, Nédélec confectionne toutes ses oeuvres lui-même dans son atelier, en quête d’une facture artisanale simulant la perfection industrielle et son utopie du « zéro défaut ». C’est dans ce passage intermédiaire du plan au volume que s’opère toute la subtilité de son interprétation. Avec humour et poésie, son oeuvre noue un lien étroit avec les sciences « dures, molles ou populaires » comme il les définit lui-même, mais aussi avec le livre-objet, le graphisme et la bibliophilie (dont témoigne la Mort du livre, 2012, ou Retitrer, 2013), avec un goût marqué pour les ensembles et les systèmes de classement qui le rapproche des jeux sémantiques de l’Oulipo.
Abolishing the borders between painting, sculpture and design, Julien Nédélec’s patterns and symbols constitute a language of geometric signs in which calculation precedes form. In his system of graphic representation, Julien Nédélec’s highly heterogeneous shapes are three-dimensional translations of mathematical equations. His precision work is driven by the principle of formal or linguistic analogy, owing as much to Richard Tuttle as Sol LeWitt and to François Morellet as Guy de Cointet. His modules, combining wood and steel coated with lacquered paint in a range of primary colors, are set into one another, cut apart and crisscrossed in visual combinations and correspondences. But unlike the credo of Minimalism, which considered form an aesthetic end in itself, each piece manifests a hidden reasoning and offers itself up for a reading that is not strictly visual. Whether monochromatic matte paintings or sculptures, these glyphs and diagrams sometimes look like pieces of a tangram or origami folds that can be combined in infi- nite variations, except that in Nédélec’s work they represent the visual conversion of some sort of physical phenomenon, perhaps auditory or cognitive, often something he has experienced in his daily life. Arranged like playground structures or an indecipherable collection of pictograms, these heterogeneously-shaped ensembles are created by the conversion into volumes and colors of scientific symbols, mathematical formulas, sound waves, typographies and units of measure following the model of Duchamp’s Standard Stoppages. Wanting to monopolize the process of producing the artwork from beginning to end and mock the rigidity and austerity of Minimalist art, Nédélec makes his pieces himself in his own studio, an artisanal process meant to simulate industrial perfection and its “zero defects” utopianism. The subtlety of his interpretation arises in this passage from diagram on paper to three-dimensional object. Melding humor and poetry, his work is closely connected with the sciences, whether “hard, soft or popular,” as he defines them, but also with media such as graphic design, book-objects and artist’s books, as can be seen with La Mort du livre (2012) and Retitrer (2013), with a pronounced taste for ensembles and classification systems recalling Oulipo’s semantic games.
Translation, L-S Torgoff Julien Nédélec Né en 1982 à Rennes. Vit et travaille à Nantes. Diplômé de l’École des beaux-arts de Nantes (DNSEP) en 2009. Expositions personnelles récentes : 2015 L'Esprit de l'escalier, Atelier W, Pantin ; Pas de chute sans gravité, Centre d'art Albert Chanot, Clamart; Déviation 4, Tour Chamars, Besançon 2016 Météore, Praz-Delavallade, Paris ; Nous courons pour rester à la même place, Les arts au mur, Artothèque, Pessac 2017 Lecture à vue, Collège Trois Fontaines, Reims (en collaboration avec le FRAC Champagne-Ardenne) Expositions collectives récentes : 2016 Flatland : les abstractions narratives #1, MRAC Languedoc-Roussillon, Sérignan 2017 La Vie mode d'emploi, Centre d'Art Contemporain Chanot, Clamart ; Plus c’est facile, plus c’est beau, FRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier
Vue de l’exposition « Météore ». 2016. Galerie PrazDelavallade, Paris. (© Julien Nédélec & Praz-Delavallade Paris/Los Angeles. Ph. Rebecca Fanuele). Exhibition view