Bernard Collin
Copiste NOUS, 528 p., 30 euros
Depuis plus de soixante ans, Bernard Collin écrit chaque jour vingt-deux lignes dans un cahier à spirale de quatre-vingt-seize pages. Les six cahiers les plus récents sont réunis aujourd’hui dans le volume Copiste établi par Lola Créïs. Ce livre permet de (re)découvrir Bernard Collin, figure importante et, hélas, trop discrète de la littérature française, qui travaille, depuis son premier ouvrage Centre de vous, publié en 1960 par Pierre Bettencourt, à une prose poétique singulière et fantasque, dévoilant une existence toute entière vouée à l’étude et à la littérature. Si l’écriture est quotidienne pour l’auteur, les lignes-journées qui composent Copiste ne doivent pas pour autant être considérées comme un journal : il n’y figure aucune date, l’auteur n’y déploie pas plus le contenu de ses journées que ses émotions. Il s’agit plus exactement d’un exercice de pensée et d’écriture. La particularité de sa syntaxe – certaines pages ne sont constituées que d’une seule et même phrase – et la densité de ses propos plongent le lecteur au coeur du mouvement même de son esprit. L’érudition de Bernard Collin est indéniable : on croise au fil des pages Rousseau, Rimbaud, Descartes, Courbet, les Écritures et des considérations sur l’étymologie latine de certains mots. Ces auteurs, textes et références fournissent la matière première de cette oeuvre qui parvient au rare équilibre d’être dense sans perdre de sa vivacité et de son souffle. Copiste, oui, Bernard Collin l’est, comme l’étaient avant lui les moines qui ont permis la transmission des textes sacrés autant que leur interprétation. La découverte de cet ouvrage provoque une sensation de vertige, mais ce vertige est heureux : il rappelle qu’en littérature, l’exigence est aussi une preuve d’amour adressée au lecteur.
Hélène Giannecchini