Chantal Béret
Elle était la plus agréable et la plus gaie parmi tous les collaborateurs d’artpress. Chantal Béret est décédée le 11 octobre dernier à l’âge de 68 ans. Elle était aussi la plus ancienne de nos collaboratrices. Notre numéro 2 déjà, paru en février 1973, comprenait deux textes d’elle, enthousiaste qu’elle était de s’embarquer dans cette aventure qui allait s’appeler l’art contemporain. Mais Chantal arrivait avec son bagage d’historienne de l’art, acquis à la Sorbonne et à l’École du Louvre. Cette première collaboration le reflétait : elle avait interviewé Edda Renouf, dont l’oeuvre était caractéristique du minimalisme de ces années, et chroniqué une exposition de Kandinsky, non sans une pointe de judicieuse critique. Les jeunes critiques sont souvent plus timorés aujourd’hui. Ce partage entre un engagement fidèle auprès de quelques-uns de ses contemporains, tel que Jean-Pierre Pincemin, et un travail de relecture de l’histoire (beau texte sur Adolf Loos dans un numéro spécial sur Vienne) caractérise d’ailleurs son apport à la revue. En 1974, elle réalisa une exposition Moholy-Nagy pour le Centre de création industrielle quand celui-ci avait encore ses salles au musée des Arts décoratifs. Elle fut aussi parmi les conservateurs pionniers qui travaillèrent dès les débuts au Centre Pompidou, où elle fut d’abord en charge de l’architecture, participant au commissariat des grandes expositions pluridisciplinaires qui marquèrent les premières années du Centre, Paris-Berlin et Vienne, naissance d’un siècle. Dans ce domaine de l’architecture, Chantal fit preuve d’un discernement exemplaire dont artpress a longtemps profité. Elle avait l’oeil, comme on dit. Au fil des années, nous publiâmes les articles qu’elle consacra aux plus grands architectes ainsi que les interviews qu’elle réalisa d’eux : Jean Nouvel, Rem Koolhaas, Renzo Piano, Frank Gehry, Shigeru Ban… Commissaire en 1981 de l’exposition itinérante Architectures en France. Modernité Post-Modernité pour le Centre de création industrielle au Centre Pompidou, elle coordonna aussi pour nous un numéro spécial Architecture (1983), réfléchissant à la césure entre modernité et postmodernité. Elle fut également, et entre autres, commissaire de l’exposition Architecture en France, 1947
1997 en 1997 et de la rétrospective de Jean Nouvel en 2001. Plus tard, elle devait revenir vers l’art contemporain, organisant une exposition Sarkis (2010) et Yayoi Kusama (2011). Chantal faisait partie de ces personnes qui, tombées malades jeunes, passent une grande partie de leur vie à repousser la mort avec un tel courage et un tel tact que non seulement elles font oublier à leur entourage le fait qu’elles sont malades, mais leur offrent même des modèles de vitalité. Jusqu’à une époque très récente, Chantal ne manquait jamais une réunion au journal, apportait des idées, proposait de rapporter un article d’un voyage qu’elle s’apprêtait à faire. J’avais avec elle une grande complicité et tous lui vouaient énormément d’amitié. Artpress, auquel elle apporta tant, ne l’oubliera pas.