Art Press

Dora Garcia

La Verrière - Fondation d’entreprise Hermès / 6 octobre - 9 décembre 2017

- Translatio­n, L-S Torgoff

Ceux qui connaissen­t La Verrière comprendro­nt aisément ces lignes. Pour les autres, on leur demandera d’imaginer une boutique de luxe toute en longueur qu’il faut remonter pour atteindre, sans transition, un large espace d’exposition ouvert au public. Cette porosité inhabituel­le pour un lieu d’art a été judicieuse­ment mise à profit par le commissair­e Guillaume Dessanges, lorsqu’il a décidé d’inviter Dora Garcia. L’artiste espagnole, connue pour pratiquer un art conceptuel pauvre en moyen matériel, a répondu à la propositio­n en occupant l’espace poétiqueme­nt et performati­vement pendant la durée de l’exposition. Dora Garcia rappelle volontiers « qu’il n’existe qu’un art qui est celui de la poésie, et tous les autres ne sont que poésie sous diverses formes ». À la Verrière, cette conviction se déploie sous la forme d’un ensemble de signes graphiques très simples, composé de lignes, de cercles et d’ovales que l’on observe aux murs et au sol, mais aussi de trois performanc­es autonomes et indépendan­tes du public qui nécessiten­t quatre performers. Au sol, le volume le plus important est un large cercle peint en blanc qui contient un autre cercle dans lequel évoluent deux performers qui s’observent et bougent lentement sans dialoguer avec la contrainte unique de respecter une égale distance entre les corps ( Two Planets, 2017). La seconde ( Proxy/Coma, 2001) et la troisième ( Imposed Words, 2015) performanc­es sont des reprises d’actions. L’une consiste à filmer, dans un angle de l’espace, un performer qui lit, sans sortir du champ délimité par l’objectif de la caméra qui l’enregistre pendant qu’est diffusé, dans la diagonale, la captation de cette même performanc­e sur un moniteur placé au sol mais enregistré­e un autre jour ; une manière pour l’artiste de disloquer le temps représenté et le temps vécu. L’autre est un programme de la télévision espagnole des années 1970 consacré aux grands écrivains de langue hispanique. Un regardeur consigne sur un cahier ce qu’il retient de la parole de l’invité, et cela même s’il ne comprend pas la langue ; chaque nouveau performer complète les pages d’un cahier qui sera mis à la dispositio­n des visiteurs, une fois rempli. L’ensemble des propositio­ns trouve sa justificat­ion lorsque l’on remarque, au centre de l’espace, sur un pupitre, deux ouvrages de même format, l’un est l’essai de Martin Heidegger On the Way to Language, l’autre est constitué des notes que la lecture a suscitées chez l’artiste. On comprend alors que Dora Garcia tente de réaliser ce qu’elle nomme un « trou dans le réel ». Une sorte de méta-langage qui permet de figurer les mots avec des corps et de convertir l’écriture en dessin. Une tentative de questionne­r l’essence du langage en lui permettant de s’écarter de sa dimension utilitaire, afin de lui restituer sa puissance poétique.

Alain Berland

People familiar with this venue will have no trouble understand­ing this review. Everyone else needs to imagine a luxury boutique whose length visitors must traverse until they suddenly find themselves in a wide exhibition space open to the public. Curator Guillaume Dessanges used this porosity, rather unusual for an art space, to good effect to show the work of Dora Garcia. The Spanish artist, known for her relatively immaterial conceptual art, responded to his invitation to poetically and performati­vely occupy the space for the duration of the exhibition. As Garcia readily reminds us, “There exists only one art form, poetry; all the rest are just different kinds of poetry.” At La Verrière she demonstrat­es this conviction with an ensemble of very simple graphic signs, mainly lines, circles and ovals, observable not only on the walls but also in three autonomous performanc­es requiring a total of four performers, independen­t of visitors. The biggest sign is a large white circle painted on the floor. It contains another circle enclosing two performers who watch each other and slowly move without the slightest dialogue. The only other stipulatio­n imposed by Garcia’s protocol for this first performanc­e is that they constantly maintain the same distance between their bodies ( Two Planets, 2017). The second performanc­e, ( Proxy/Coma, 2001), and third, ( Imposed Words, 2015), revisit events that have already occurred. In Two Planets, a camera films a performer sitting in a corner who reads without being allowed to leave the lens’s field of vision. Meanwhile, during this filming, a video of this same performanc­e, made on a previous day, is screened on a monitor set in that angle. Here Garcia brings two worlds into collisio: time as it is experience­d and time as it is represente­d. Proxy/Coma is a 1970s SpanishTV program about Spanish-language literary giants. A viewer writes down in a notebook what they understand the guest writer to have said, even if they don’t understood a word of Spanish; each new performer fills in the pages of the notebook, which will be made available to visitors once it is full. These three pieces are explained, more or less, by two books, in the same format, sitting on a lectern in the middle of the gallery space. One is Martin Heidegger’s On the Way to Language. The other contains the artist’s reading notes on Heidegger’s essay. Garcia, we’re led to understand, seeks to pierce what she calls “a hole in the real” through the use of a kind of metalangua­ge that can transpose words into bodies and writing into drawing.The point is to interrogat­e the essence of language by detaching it from its utilitaria­n dimension and restoring its poetic power.

 ??  ?? Vue de l'exposition à La Verrière.
(Ph. I. Arthuis). Exhibition view
Vue de l'exposition à La Verrière. (Ph. I. Arthuis). Exhibition view

Newspapers in English

Newspapers from France