Art Press

Supports/Surfaces 1970

Carré d’art / 13 octobre - 31 décembre 2017

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Connaissez-vous Supports/ Surfaces? C’est la question que l’on finit par se poser après avoir parcouru l’exposition conçue de main de maître par Romain Mathieu. Car cette étiquette de « dernière avant-garde française » qui colle à l’aventure ayant rassemblé pour un temps André-Pierre Arnal, Vincent Bioulès, Louis Cane, Marc Devade, Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Toni Grand, Bernard Pagès, JeanPierre Pincemin, Patrick Saytour, André Valensi et Claude Viallat, porte plus de mythes et d’aveuglemen­t qu’elle ne fournit d’explicasti­ons. Qui dit avant-garde dit groupe, qui dit groupe suppose une certaine forme de communauté de pensées et de pratiques, voire une unité de temps et de lieu. Or, ici, rien de cela ne se rencontre. Il n’y eut pas un, mais des Supports/ Surfaces, qui ne s’accordèren­t pas même sur la graphie du nom, avec ou sans « s », avec trait d’union (support-surface) ou bien slash. Les uns (Devade, Cane, Dezeuze…) agirent à Paris, dans la proximité de Tel Quel, les autres (autour de Viallat) revendiqua­ient le fait d’être des provinciau­x. Pour les premiers, l’exposition Support-Surface de l’ARC, en septembre 1970, est le moment fondateur d’une histoire qui se poursuivra jusqu’en 1974, avec le travail mené dans la revue Peinture, cahiers théoriques, pour d’autres, elle fut à la fois acte de naissance et chant du cygne, la suite de l’aventure n’étant plus que querelles, sur fond de divergence­s idéologiqu­es et personnell­es (1). Il fallait donc un historien, porteur d’une véritable lecture, afin de livrer, enfin, une vision claire de ce moment essentiel de l’histoire de l’art français, sans rien réduire de sa complexité. Romain Mathieu a fait des choix : l’exposition est synthétiqu­e, limpide. Traiter des origines, à savoir des années 1966-1970, c’est en effet nourrir la thèse selon laquelle l’exposition de 1970 et le surgisseme­nt, à cette occasion, du nom « supportsur­face », fonctionne­nt comme le point de cristallis­ation de plusieurs recherches connexes – parfois communes – qui témoignent de la profonde mise en crise de la peinture de chevalet dont furent porteurs ces jeunes artistes dans les années 1960. Mettre en valeur, en six salles où il articule sans cesse enjeux historique­s et esthétique­s, les grands traits permettant, selon lui, de faire communauté entre ces oeuvres (affranchis­sement de l’École de Paris, réduction de la peinture à ses composante­s élémentair­es et mise en place de « systèmes », rapport d’émulation avec le Nouveau Réalisme et le pop art, production et exposition en plein air, déploiemen­t de la peinture dans l’espace, jusqu’au gigantisme, pratique ludique et bricoleuse de l’art) était une gageure. Le pari est pleinement réussi. On apprend, on comprend, on découvre des oeuvres inconnues sorties des ateliers, on mesure l’importance de la sculpture (Pagès est ici en majesté) dans ce qui fut bien plus qu’une histoire de pein- ture. Il y avait là une incroyable liberté, et, surtout, une vraie communauté de talents, irréductib­le aux relectures formaliste­s qu’on a pu en faire après-coup. D’autres exposition­s restent possibles et souhaitabl­es, porteuses d’autres récits. Mais il leur faudra repartir de celle-ci, comme référence.

Pierre Wat

(1) Voir le volume des Grands Entretiens d’artpress consacré à Support-Surface (ndlr).

——— What do you know about Supports/Surfaces? That is the question you end up asking after seeing this exhibition superbly curated by Romain Mathieu. Certainly, “the last French avant-garde,” the tagline almost inevitably attached to this artistic episode involving André-Pierre Arnal, Vincent Bioulès, Louis Cane, Marc Devade, Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Toni Grand, Bernard Pagès, Jean-Pierre Pincemin, Patrick Saytour, André Valensi and Claude Viallat, mystifies and obscures more than it enlightens. Because “avant-garde” means “group,” and “group” implies a certain number of shared ideas and practices, or even a unity of time and place. But there is none of that here. Supports/Surfaces was not singular but plural— they could even agree about how to spell the name: sometimes the words were plural, sometimes singular; sometimes separated by a slash, sometimes by a dash. Some (Devade, Cane, Dezeuze, etc.), were active in Paris and close to Tel Quel, others (around Viallat) asserted their provincial­ity. For the first group the Support-Surface exhibition at the ARC, Paris, in September 1970, was the founding moment in a history that continued until 1974, notably with the work disseminat­ed through the journal Peinture, cahiers théoriques; for others, it was both the birth and the swansong, since what came afterwards was endless squabbling sparked by ideologica­l and personal difference­s. What was needed to make sense of this key moment in recent French art, without simplifyin­g its complexity, was a clear historian’s reading. Romain Mathieu has made choices, and his exhibition is synthetic and limpid. To examine the origins, that is, the years 1966– 1970, is to subscribe to the view that the 1970 exhibition, when this name Support-Surface was coined, marked the crystalliz­ation of several related and sometimes shared researches reflecting the deep challenge to easel painting articulate­d by these young artists in the 1960s. To set out, in six rooms, the historical and aesthetic issues that link these works together (breaking free of the School of Paris, the reduction of painting to its elementary components and institutio­n of “systems,” the relation of emulation to Nouveau Réalisme and Pop Art, outdoor production and exhibition of works, the spatial deployment of painting in space—sometimes on a gigantic scale, and the playful, improvisat­ory practice of art), was quite a wager. Romain Mathieu has pulled it off brilliantl­y. We learn, we understand, we see works never exhibited before, and we gauge the importance of sculpture (Pagès is majestic here) in a tendency that was about much more than the history of just painting. There was an incredible freedom in all this, and above all, a real community of talents, which cannot be reduced to retrospect­ive interpreta­tions. Other exhibition­s are both possible and desirable, with other narratives, but for all of them, this will be the point of departure.

Translatio­n, C. Penwarden

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Coaraze. Outdoor exhibition, 1969
Vue de l’exposition « Eté 69 ». Coaraze. Outdoor exhibition, 1969

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