Pierre Paulin
Plateau Frac Île-de-France / 21 septembre - 17 décembre 2017
Boom… boom… est le son d’un rebond qui accueille puis accompagne le visiteur dans son cheminement à travers cette première exposition personnelle de Pierre Paulin dans une institution, exposition qui parvient à faire émerger une profondeur à partir de la surface sensible de l’air du temps. C’est donc d’abord un rythme, une pulsion que l’artiste a travaillée pour introduire sa réflexion : le mouvement de la balle que Michael Jordan fait rebondir dans une publicité pour des baskets Nike. Le vêtement est le fil conducteur, à travers un ensemble de textes, de photographies, de sculptures, d’habits, de films. Boom boom, run run est le titre d’un long essai poétique : à partir de l’achat d’une paire de basket, Pierre Paulin nous entraîne dans une histoire de cette chaussure et une interrogation sur son sens : de quoi est-elle le signe ? En 1984, la foule brandit ses baskets pendant un concert de Run DMC, sur la chanson My Adidas. « My adidas est le slogan des années 1980 revendiquant le corps comme territoire inaliénable […] My Adidas est une scansion qui veut simplement signifier être dans toutes ses occurrences sémantiques », explique l’artiste. Comment se réapproprier une existence dans un monde marqué par l’hégémonie des marques ? Qu’estce que porter une marque sportswear produit sur notre corps, notre sensibilité ? La série de photographies en teintes noires lumineuses présente des vêtements contorsionnés dans le cadre. Les plis des tissus sont ceux d’un corps qui cherche à se retirer une épine du pied. Plus loin, une autre série repose sur des barres de danse. Chaque look est unique, et cache dans ses doublures d’autres textes que l’on peut acheter en éditions. Poésie des tissus, des couleurs, des mots. Un blanc en cuir clouté de lettres, un bleu nuit pour disparaître dans la nuit. La fin du parcours donne une figure à ces voix : deux films d’animation et une sculpture aux airs duchampien : une main chaude insérée dans un embauchoir, et une main gantée dans une basket qui arpente le cadre noir de l’écran. De la main au pied, le reste est coupé. La forme de la basket a une teinte féminine, comme une muse contemporaine: sa semelle compensée dessine un étrange talon. Une voix dialogue avec la forme : «Tout le monde porte un sentimentalisme révolutionnaire. » Pas sûr. Mais c’est une ouverture que l’artiste donne, et si on la perçoit dans toute l’exposi- tion, elle n’est pas simple à écrire. Pierre Paulin l’innerve dans tous ses travaux. À l’écrit, il évoque un slash, un delay, un hoquet. Un état à michemin entre le spasme et le plaisir : un rythme troué, qui insiste, boom… oom… Génération virgule. Cette exposition donne une histoire à nos pas génériques, une narration, une vibration. Trouée, slashée, mais présente, à garder cachée peut-être.
Flora Katz
——— Boom… boom… is the sound of a bounce that greets and follows visitors round Pierre Paulin’s first solo show in an institution, a show that manages to conjure up a sense of depth from the sensitive surface of the moment. The sound is that of the baseball bounced by Michael Jordan in a Nike commercial. This is what gives the rhythm and the pulse to Paulin’s ideas, just as garments are the guiding thread in the series of texts, photographs, sculptures and, yes, clothes. Boom boom, run run is the title of a long poetic essay which starts with the purchase of a pair of sneakers and goes on to consider the history of basketball. Of what, Paulin asks, is it the symptom? In 1984, the crowd waved its sneakers at a concert by Run DMC, My Adidas. “My Adidas was a 1980s slogan asserting the body as an inalienable territory. […] My Adidas is a tag that simply denotes being in all its semantic occurrences,” explains Paulin. How do you reappropriate your own life in a world dominated by brands? What does wearing a sportswear brand do to our body, to our sensibility? A series of photographs in luminous blacks shows apparel twisted in the frame. The folds of the fabric are those of a body trying to pull a thorn out of its foot. Another series is based on dancers’ exercise bars. Each look is unique and hides other attempts that can be bought in the form of limited editions. The poetry of fabrics, colors and words. A leather jacket studded with letters, midnight blue to merge into the darkness.The end of the exhibition puts a figure on these mute voices: a hot hand slipped into a shoe tree and a gloved hand in a basket, moving over the dark frame of the screen: two animation films and a sculpture with a strong Duchampian feel. We see nothing but the hand and foot. The shape of the basket is feminine, like a contemporary muse: it has a strange wedge heel. A voice dialogues with the form: “Everybody wears revolutionary sentimentalism.” Or do they? But this is the artist giving himself options. The openness found throughout this show is hard to describe, even if Paulin instills it into everything he does. When written it evokes a slash, a delay, a hiccup, a state halfway between spasm and pleasure, a syncopated rhythm, that insists: boom…. oom. The comma generation. This exhibition writes a history of our generic steps, a narrative, a vibration. Perforated, slashed, but present, and perhaps to be kept hidden.