Dominique Bruguière
Actes Sud-Papiers, 151 p., 24 euros Dominique Bruguière crée des lumières pour le théâtre, l’opéra et la danse depuis la fin des années 1980, c’est-à-dire depuis que « l’éclairage » commence à faire partie du processus de création artistique. Sa carrière traverse, dans l’ombre, tout un pan de l’histoire du théâtre, dans la complicité de Claude Régy et de Patrice Chéreau (entre autres), et a largement participé au développement de ce métier. Penser la lumière est un riche entretien que Chantal Hurault a mené avec elle. Au travers de nombreuses expériences, elle raconte son processus de création, de la « recherche géométrique » en amont à la « composition » pendant les répétitions. Dans ce travail, dont on perçoit nettement les enjeux par le souvenir des spectacles que nous avons vus – et plus théoriquement pour ceux auxquels nous n’avons pas assistés, bien que l’ouvrage soit illustré –, se dévoilent les conditions d’apparition de certaines esthétiques des trente dernières années : avec la Mort de Tintagiles (1997), c’est l’accomplissement de la poétique du noir, indissociable du travail de Claude Régy, permettant l’exploration infinie de l’ombre, avec le Temps et la Chambre de Botho Strauss par Patrice Chéreau (1991), c’est la reproduction de la lumière du soleil dans un espace où la distance des projecteurs est réduite, avec les scénographies de Daniel Jeanneteau, ce sont les décors pensés spécifiquement pour la lumière… Cet entretien pose Dominique Bruguière en véritable chercheuse dans un univers où les contraintes sont sans cesse nouvelles. Il permet de saisir la part historique et technique de son travail en allant à la rencontre des expériences et des singularités de cette éclairagiste qui pense la lumière comme une matière pouvant troubler les distances et créer du temps.
Mathilde Bardou