Le Frac Normandie Rouen poursuit ses invitations à des photographes et accueille, du 27 janvier au 25 mars 2018, la première exposition monographique en France de l’Américaine Anne Collier, dont l’oeuvre explore la culture photographique de l’ère pré-numérique.
Anne Collier ne cesse de remettre en jeu son travail. En 2002, un an après une première exposition personnelle, l’Américaine réalise Jim and Lynda, deux marines photographiées de l’endroit où les cendres de ses parents avaient été dispersées. L’année suivante, Reflection montre l’artiste et son reflet dans l’un des panneaux du diptyque. Enfin, quatre ans plus tard, 8 x 10 (Jim) et 8 x 10 (Lynda) présentent les deux marines photographiées dans des boîtes de tirages 20x25 cm. Ces trois occurrences permettent de souligner d’emblée deux points. Tout d’abord, l’oeuvre de Collier a une forte teneur biographique. L’artiste considère, en effet, les marines comme des portraits en l’absence de ses parents et n’hésite pas à entrer dans l’image pour faire corps avec eux. Elle continuera à creuser la notion de « deflected (self) portaits » ([auto-]portraits dérivés ou détournés) et à s’inscrire dans ses images, de manière directe, en photographiant son oeil, ou, plus allusive, par des substituts, comme la figure de la femme photographe qui fera l’objet de nombre de ses travaux. Par ailleurs, Collier est passée de la photographie comme image à l’image comme objet, inextricablement liée à son support de diffusion. Adoptant les méthodes de la photographie publicitaire ou technique, elle a procédé à une mise à distance de l’image qui est aussi une mise en abîme de la photographie qui devient alors un sujet. Mais Collier ne cherche pas à définir son improbable ontologie. Elle s’intéresse plutôt à la diversité de ses modes d’existence et de diffusion et à son rôle dans la formation de la culture visuelle. Collier réalise ainsi des natures mortes de photographies qu’elle a prises ou d’objets