Mathieu David
Barcelone brûle Gallimard, 144 p., 15 euros
Les grands écrivains sont des professeurs de liberté. Les avoir lus tôt et respirés à fond peut avoir des conséquences fâcheuses pour l’ordre social. Arrivé du Québec pour la Sorbonne, Mathieu David a compris, un matin de morne plaine, lisant une nouvelle fois Lautréamont, Rimbaud, Debord ou Nietzsche, que les phrases de vérité sont des flammes opérant la mutation du plomb en or. Le voici donc à la gare de Lyon le soir même, montant dans un train en partance pour Barcelone, ville qui ne le quittera plus, où il fera ses gammes (les bars, les rencontres, les putains, les nuits blanches) tout en forgeant ses armes (étude de l’histoire insurrectionnelle de la cité catalane, des toiles de Picasso, des bas-fonds). Cette alchimie donne Barcelone brûle, premier livre formidable parce que bourré de vie brute, de désir et de pensées justes. On y rencontre Simone Weil et George Orwell venus rejoindre les rangs antifranquistes, Jean Genet traînant dans le défunt Barrio Chino, Georges Bataille écrivant le Bleu du ciel, Cervantès faisant mourir Don Quichotte sur une plage de la Barceloneta, mais aussi Flora la belle amie intrépide, et les insurgés de La Carbonería occupée de 2008 à 2014 par des militants alternatifs. Souffle sur Barcelone un vent d’anarchie qui est le coeur même de la littérature, et qui ne s’interdit rien, ni la fiesta sous les étoiles avec les plus jolies filles du monde, ni l’éloge de Benoît XVI déclarant de l’intérieur de la Sagrada Familia : « La beauté est la grande nécessité de l’homme. » Le temps a passé, Mathieu David a ressenti l’appel de l’Italie, est parti vivre à Florence. On attend son deuxième livre avec impatience. « L’humain modernisé a oublié que ses deux pieds reposent sur une effroyable boule d’énergie. »