Nicole Marchand-Zañartu (dir.)
Les Grands Turbulents Médiapop, 283 p., 18 euros
Apparus au début du 19e siècle, les groupes artistiques se multiplient à partir des années 1880 pour, bientôt, ne faire qu’un avec la modernité et les avant-gardes. L’histoire est connue mais les Grands Turbulents élargit le champ à la littérature et à la musique, au théâtre et au cinéma, à la musique et au graphisme. Surtout, il déplace le regard. Ces groupes – plus d’une cinquantaine, formés en Europe, Amérique latine ou Asie, souvent méconnus – font l’objet d’un texte assez libre, confiés chacun à un auteur différent et inspirés d’une photographie. C’est là que réside l’originalité du livre, qui devient ainsi une petite histoire photographique des avant-gardes et montre combien l’image eut aussi son importance, aux côtés des manifestes et des événements, dans l’affirmation de ces singularités collectives que sont les groupes d’avant-garde. Le portrait de groupe prouve une unité. Il permet aussi de faire nombre. Conventionnel, il semble emprunter au modèle, frontal, du portrait collectif d’artistes, et ne rend pas toujours justice à la créativité, voire la subversion, qu’incarnent ces groupes. Certains y échappent, prennent la pose, se donnent des airs, font les pitres, comme les Phrères simplistes, à l’origine du Grand Jeu. Pour d’autres, enfin, comme pour ces trois membres du groupe yougoslave OHO saisis dans une étrange performance, le portrait de groupe fait oeuvre et l’image devient manifeste. Selon Nicole Marchand-Zañartu, cette histoire se clôt dans les années 1980 avec la fin des dernières avant-gardes : « L’audace et la liberté sans filet des Turbulents semblent derrière nous. » Pourtant, leurs portraits en sont parfois dépourvus et l’on comprend mal pourquoi elles seraient interdites aux collectifs qui, depuis plusieurs années, ont pris leur suite.