On est toutes et tous fous de food… Mais pourquoi on ne pense qu’à ça ?
BLOGS CULINAIRES, PHOTOS DE PETITS PLATS SUR LES RÉSEAUX, CHEFS STARIFIÉS SERVIS SUR PLATEAUX TÉLÉ : NOS ASSIETTES DEVIENNENT UN TERRAIN DE JEU, DE DISCUSSIONS ET D’EXHIBITION INFINI... TOUS FOUS DE FOOD !
Pizza arc-en-ciel, « latte » arty, « mockails » sans alcool... à l’ère digitale, la nourriture, comme la mode, a ses tendances et ses ingrédients stars. Sur Instagram et Facebook, les hashtags se multiplient comme des petits pains tandis que les photos et autres vidéos culinaires nous font baver d’envie. Et ça cartonne : « Celui qui regarde n’a qu’une envie : y plonger les doigts, y coller sa langue et prendre cette nourriture en bouche », décrypte Nathalie Helal, journaliste en radio et télé, spécialisée en gastronomie (lire encadré
« 3 questions à… »). Mises en scènes soigneusement étudiées, photos retouchées, filtrées, éclairées… Ces textures appétissantes, avec gros plans explicites sur des coulées de chocolat ou des burgers super alléchants, ont d’ailleurs popularisé le terme « food porn(ography) », forgé par la journaliste britannique Ros Coward. Dans son livre Female Desires, elle évoquait déjà, en 1984, le plaisir quasi orgasmique de la cuisine, suggéré dans les magazines.
Vade retro, tentations
Jouer avec sa nourriture devient d’ailleurs l’ultime transgression de nos principes d’éducation : ainsi, le « Fruit art » nous invite à sculpter nos fruits et légumes tandis que le « Food Jenga » nous propose d’empiler chips, biscuits et autres gourmandises façon Kapla. N’importe quoi ? Peut-être, mais avouons-le, nous ne sommes pas les dernières à suivre ces tendances. La nourriture reste notre sujet de prédilection : selon Instagram, le hashtag #Food a été posté plus de 200 millions de fois depuis la création de la plateforme en 2010. Le compte Facebook de Larousse, où s’affichent saveurs d’ailleurs et recettes de terroir revisitées au Thermomix , comptabilise 30 millions de pages vues par mois. L’alimentation est d’ailleurs dans le top 3 des recherches sur le Web, après le sport et les voyages* et 39 % des 18-35 ans y donnent leur avis sur les marques et les produits*. Mais elle est aussi un sujet d’inquiétude : l’origine de nos aliments, leur mode de production… nous préoccupent de plus en plus. Comme le dit l’un des quatre héros de la BD numérique d’anticipation**,
imaginée par la chaire ANCA (Aliment Nutrition Comportement Alimentaire) et AgroTech,
« Avant, on bouffait, maintenant, on mange... » Tous toqués ? Dégainer son smartphone pour photographier son assiette (près de 50 % des 18-24 ans partagent ces clichés sur les réseaux) est devenu une pratique si courante que certains restaurateurs l’interdisent. Qu’à cela ne tienne, si on ne peut plus shooter ses légumes rôtis en paix, on embauchera de jeunes chefs qui se déplacent à domicile (on fait son casting sur labelleassiette.fr). Ou on festoiera au Pitchfork Music ou au Vegan Pop Smmmile Festival***, où la nourriture compte autant que les concerts, avec ateliers culinaires et tables rondes pour manger sainement : adieu saucisse-frites, vive les burgers végétariens ! Manger nous obsède, c’est sûr, et bien manger peut-être plus encore. Et même en vacances : pour 61 % des sondés d’une étude menée par le site de voyage booking.com, la bonne chère reste un critère décisif dans le choix de leur destination. Et ce n’est pas un hasard si la Malaisie, ses spécialités métissées et ses marchés de rues où on prépare les plats devant vous, arrive en tête du classement.
J’ai monté un collectif de chefs bistronomades