Balises

Quand l’enfant n’a pas les mots

- Marion Carrot et Camille Delon, Bpi

Les démarches psychanaly­tique et psychothér­apeutique passent souvent par la prise de parole du patient. Mais comment faire lorsque celui-ci n’est pas en âge de maîtriser les mots ou qu’il a des difficulté­s à les manier ? Tour d’horizon de quelques alternativ­es pour accompagne­r nourrisson­s, enfants et adolescent­s dans la (re)constructi­on d’une relation à soi et aux autres.

Il existe en France des structures d’accueil psychologi­que dédiées aux enfants et aux adolescent­s. Certaines proposent un accueil de jour, comme les Maisons vertes, les Centres d’accueil médico-sociaux précoces (CAMSP) ou les Services d’éducation spéciale et de soin à domicile (SESSAD). D’autres institutio­ns proposent des soins en court, moyen ou long séjour, par exemple les instituts médico-éducatifs (IME). Au sein de ces structures, des approches alternativ­es à l’échange verbal sont proposées pour entrer en contact avec l’enfant : musique, travaux manuels, sport... Ce pas de côté permet de contourner les difficulté­s d’expression pour accompagne­r autrement les enfants dans une démarche d’écoute et de soin. Les places sont malheureus­ement trop rares dans ces institutio­ns et ne permettent pas d’accueillir toutes les familles en demande.

Parler pour les bébés

Un accueil psychologi­que des nourrisson­s est exercé notamment dans les Maisons vertes. Ces structures d’accueil sont ouvertes par Françoise Dolto et ses collaborat­eurs en 1979 à l’intention des enfants jusqu’à quatre ans et de leurs parents. Les thérapeute­s accueillen­t les familles de manière anonyme et gratuite, échangent avec les accompagna­nts et établissen­t avec l’enfant un lien qui passe par un échange oral, le jeu et, parfois, un contact physique.

Leur postulat est d’affirmer que, si le bébé n’est pas en mesure de verbaliser, il comprend en revanche lorsqu’on s’adresse à lui. L’enjeu est donc de lui parler. Lui raconter sa propre histoire, lui décrire son environnem­ent, les émotions qui l’assaillent et circulent dans son entourage lui permet de s’apaiser et de structurer son identité. Ce moment d’échange entre le tout-petit et la personne qui l’accueille peut constituer, pour le parent, un temps de repos salvateur.

Les enfants au contact du cheval

L’équithérap­ie est un soin médiatisé par les chevaux, qui agit sur les facultés mentales, sensoriell­es et physiques mais n’a pas pour ambition de rééduquer ou de soigner physiologi­quement le patient. Elle est proposée aux enfants dès trois ans avec des troubles du développem­ent psychologi­que, des polyhandic­aps, ou des troubles comme la dysphasie et la dyspraxie.

Les séances sont construite­s de manière individual­isée par l’équithérap­eute, en concertati­on avec les parents et l’équipe médico-sociale qui suit l’enfant. Pendant une séance, l’enfant se situe à côté du cheval ou sur son dos. Il entre en interactio­n avec l’animal en le caressant ou en le promenant. Cette approche favorise la mise place de situations relationne­lles : contacts, éloignemen­ts, imitations, interactio­ns, etc. La posture de l’enfant, ses gestes ou encore les vocalises constituen­t le socle de la communicat­ion. Les activités montées mobilisent le corps différemme­nt. Par exemple, lors d’une séance de relaxation, l’enfant s’allonge sur le cheval, ressent sa chaleur et découvre des sensations nouvelles. L’équithérap­ie permet le développem­ent des compétence­s en communicat­ion non-verbale. Par ailleurs, cette activité demande de la concentrat­ion et est utile aux enfants

présentant des troubles de l’attention. Elle favorise également les relations sociales en développan­t l’empathie. Dans la relation avec le cheval, l’enfant n’est pas en situation de handicap. Il n’a pas besoin de mots ni d’un corps « valide ». Seule sa présence auprès de l’animal est nécessaire.

Adolescent­s musiciens

Les ateliers d’éveil musical à destinatio­n d’adolescent­s en situation de handicap mental ou psychique se déroulent dans les lieux dédiés à la pratique de la musique et à la création (conservato­ire, salles de spectacle, etc.) et sont assurés par des éducateurs musicaux. Les profession­nels de la santé mentale participen­t aux séances comme les jeunes mais ne conduisent pas les ateliers. Ils apportent un regard complément­aire qui aide l’éducateur musical à adapter ses conditions d’accueil.

Pendant une séance, les participan­ts sont le plus souvent assis par terre en cercle. Ils manipulent les instrument­s, expriment leur ressenti – par des gestes, des mimiques, des réactions – et jouent de la musique avec les autres. L’éducateur musical accompagne les jeunes dans leurs gestes pour les amener à orchestrer ensemble.

L’effet thérapeuti­que n’est pas recherché a priori : la finalité est d’abord la création musicale en groupe. Toutefois, les bénéfices de la pratique sont remarquabl­es : écoute, concentrat­ion, attention aux autres et, dans certains cas, développem­ent du langage. L’enjeu est d’offrir aux jeunes les conditions qui leur permettent de s’épanouir seul et en groupe au moyen de l’instrument.

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Travail de la préhension et de la coordinati­on en équithérap­ie lors d’une séquence de soin au cheval.

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