Big Bike Magazine

ELIOTT LAPÔTRE FREERIDER MADE IN LES VOSGES

NOUS AVONS LONGTEMPS HÉSITÉ À LANCER CETTE INTERVIEW SUR QUELQUES JEUX DE MOTS FASCINANTS TELS QUE « ELIOTT, L’APÔTRE DU FREERIDE », MAIS AVONS FINALEMENT DÉCIDÉ DE LUI ÉPARGNER ÇA (APRÈS AVOIR REÇU UN JOLI CHÈQUE EN BLANC, IL FAUT BIEN L’AVOUER…). IL N’E

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Depuis notre première rencontre à Villard-de-Lans pour un Big Bike Festival, alors qu’il partait pour quelques mois de road trip avec son pote Mickaël Haxaire et Vincent, Eliott a fait beaucoup de chemin. Son aisance et son style étaient déjà présents à l’époque, il n’a cessé de les améliorer via des doses massives de riding et de shape dans son berceau natal des Vosges. Via de bonnes rencontres aussi, comme celle de Vincent Tupin, autre freerideur de la nouvelle génération française. D’ailleurs, les deux lascars ont bien des choses en commun : un style reconnaiss­able entre tous et un attrait bien particulie­r pour la pente, la vitesse et les gros jumps. Leur passion totale pour le riding et leur sourire en coin aussi, qui en dit bien plus que de longs discours dont ils ne sont pas forcément friands. Si Vincent a aujourd’hui fait sa place parmi les freerideur­s les plus connus de la planète MTB, Eliott continue son ascension vers cette étape décisive pour tout rideur qui, comme lui, veut vivre de sa passion. Et avec son entrée dans le team SR Suntour, où officient de grands noms tels que Kurt Sorge, Mike Hopkins ou James Doerfling, mais aussi la diffusion régulière de beaux édits vidéo, Eliott est désormais sur la bonne voie.

En effet, à bientôt 25 ans, le rideur Commençal a déjà pas mal roulé sa bosse autour du monde, notamment en Amérique du Nord où il est allé tourner plusieurs segments entre Whistler, Farwell Canyon, Sun Peaks, Bellingham, Squamish, Vancouver ou encore la Sunshine Coast, lors du Durolux World Tour, mais aussi avec des indépendan­ts comme Christophe Hassel et Thibaut Menu. Malgré ce beau CV, son terrain de jeux favori reste encore les Vosges, où il passe beaucoup de temps à creuser des lignes pentues et engagées et à rouler avec ses potes. Il continue à shooter aussi, car c’est la façon dont il se définit en tant que rideur, les contests ne l’intéressan­t pas le moins du monde. Aujourd’hui, les journées d’Eliott se passent au rythme des sessions de bike, des events choisis pour leur potentiel freeride (Bike Festival de Châtel) et du calendrier SR Suntour avec qui il repar t pour une tournée de spots mythiques au printemps. Tout en travaillan­t l’hiver en station, histoire de mettre quelques Kopeks de côté. En septembre dernier, il tâte la terre sainte de l’Utah à l’occasion d’un trip à la Rampage, où il aide son pote Thomas Genon à shaper sa ligne pour le contest. « On a beaucoup roulé là-bas, plus que shapé presque ! Deux ou trois semaines passées à rider des trucs mythiques comme les spots de New World Disorder, les vieux sites de la Rampage ou encore des pistes comme King Kong. Inoubliabl­e comme expérience ! » Avec un calendrier bien chargé cette saison, on devrait voir Eliott prendre de plus en plus de place sur la scène freeride française, l’occasion rêvée pour nous de dévoiler ce rideur aussi discret que diablement stylé.

Comme beaucoup, Eliott s’intéresse au MTB à l’adolescenc­e, inspiré notamment par les vidéos phares de l’époque : « Je me suis mis à rouler avec un pote quand on avait 14 ans. On a commencé par faire du dirt en shapant des bosses pas loin de la maison, puis on est allé un peu partout en Alsace. On regardait pas mal de vidéos et c’est ce qui nous a motivés. Dès que le bike park du Lac Blanc a ouvert, on s’est mis à faire de la descente, on y était dès le premier jour de l’ouverture, en 2007. Au début, on roulait avec notre vélo de dirt, sur lequel on avait rajouté un frein avant. Mais bon, on était en pneus lisses et en semi-rigide quand même ! Puis petit à petit, on s’est mis à rouler sur des tout suspendus » , nous raconte-t-il.

De la pelle pour construire les premiers jumps de dirt au bike park du Lac Blanc, du semi-rigide au tout suspendu, l’évolution se fait assez naturellem­ent dans un environnem­ent propice à la pratique. Et puis à 16 ans, les choses s’accélèrent, il passe devant la caméra pour son premier édit, après avoir négocié quelques partenaria­ts avec des marques. « La première vidéo qu’on a tournée, c’était grâce à Vincent Pernin, qui m’a beaucoup inspiré quand je commençais et qui continue de le faire encore aujourd’hui. C’est aussi le moment où s’est concrétisé mon premier partenaria­t, avec Solid Bikes, grâce à Richard Delaunay qui avait fait les démarches pour moi (et qui est, avec Guillaume Heinrich, celui qui a lancé le bike park du Lac Blanc, NDLR). La rencontre avec Richard a été hyper importante, il m’a pris sous son aile et a su me motiver à mes débuts » . Eliott comprend tout de suite que la vidéo est une super forme d’expression, qui colle avec sa vision du riding. « Ce qui me plait, dit-il, c’est que tu peux montrer ta vision du vélo, à ta manière. C’est la manière la plus libre et la plus créative de t’exprimer. Tu peux montrer où et comment tu roules, et partager ton riding avec d’autres personnes » .

Avant ce premier shooting, le rideur vosgien côtoie le petit monde du freeride dans le seul event dédié à la discipline en Europe : le Châtel Mountain Style. Dès 2009, il tâte The Face, emmené sur le spot par sa grand-mère ! Il y rencontre Thomas Genon et roule quelques jours avec lui.

En 2010, il y retourne avec son pote Mickaël et Vincent Pernin et, l’année d’après, l’expérience por te ses fruits puisqu’il termine premier des qualifs, avant de tomber en finale dans une ligne bien engagée en amont de la barre naturelle. Peu importe, le potentiel du garçon est évident et c’est bien le principal. « En 2012, je me rappelle que le niveau avait vraiment augmenté. C’était la dernière année du contest d’ailleurs. Et là, je fais un bon résultat puisque je termine deuxième derrière Olivier Cuvet et devant Vincent Tupin » . Après cette dernière édition du Mountain Style, c’en est fini des contests pour lui : « C’est vrai qu’à l’époque j’aimais beaucoup cet event, et ça a été une super expérience pour moi, mais maintenant je n’ai plus envie de faire des compètes. Ce n’est pas du tout ma voie

» . Plus qu’une dose d’expérience, ce contest lui permet de faire des rencontres importante­s, celle de Thomas Genon donc, mais aussi celle de Vincent Tupin et Gaëtan Rey, le duo de Shaperides­hoot. Bientôt, avec ses 18 balais en poche et une voiture, il peut rendre visite à ses potes de ride en Savoie. Ça roule très fort là-bas aussi, une bonne émula-

tion nait donc naturellem­ent entre les rideurs, notamment avec Vincent. Il faut dire que tous deux se ressemblen­t autant dans le style de riding que dans la façon de l’aborder, soit avec un bagage technique complet, qui emprunte à toutes les discipline­s auxquelles ils touchent. « Je roule tous les vélos possibles, raconte Eliott, et je vais sur un maximum de spots différents. Skate park, piste de race BMX, jumps de dirt, tracés enduro ou DH. Je suis un puriste du VTT, mais pas un puriste d’une forme de VTT ! Je prends du plaisir dans chaque discipline, car on y croise différente­s personnes, on varie les terrains et les sensations. Dans ces conditions, impossible de s’ennuyer ou de ne pas progresser. Mais pour être honnête, la DH reste ce que je préfère » .

Minutieux et calculé, Eliott n’a jamais été du genre à se lancer le premier sur un gros jump ou à rentrer en aveugle dans une ligne tendue. Un côté un peu timide dans son riding qui, très paradoxale­ment, s’estompe petit à petit depuis qu’il s’est fracturé le fémur en 2014 à La Poma, en dirt. « C’est étrange, confie-t-il, alors que la plupart des rideurs doivent souvent surmonter une certaine appréhensi­on après une grosse blessure, moi, c’est plutôt le contraire. J’ai l’impression que ça m’a plus libéré qu’autre chose et maintenant j’ouvre de plus en plus souvent les jumps ou les sections. Cela dit, ma manière de fonctionne­r c’est regarder, réfléchir et y aller, non pas l’inverse. Je pense que c’est comme ça qu’on dure dans le temps » . Alors évidemment, on lui demande si on va bientôt le voir transposer les tricks de dirt en gros vélo, comme c’est le cas pour la grande majorité des freerideur­s de la scène actuelle. Mais encore une fois, le bougre a une idée très claire et très personnell­e de l’évolution de son riding : « Ce que j’essaie de faire comprendre aux gens, c’est que le sens premier de freeride c’est de rouler comme on veut, sans passages obligés. J’aime bien les tricks, mais à petite dose. Si j’avais voulu m’entraîner comme un fou pour en faire, je pense que j’aurais réussi. En fait, mes priorités sont de rouler vite, dans la pente raide en terrain naturel, c’est ça ma tasse de thé ! Je veux être fluide, propre et poser quelques tricks simples que j’adore, comme des condors ou des no foot cancan » .

En 2015, de retour de blessure, il étrenne ses contrats avec Commençal et SR Suntour. S’il n’est pas vraiment question d’argent, cela lui permet de côtoyer les pros, d’apprendre comment les choses se passent au sein d’un team, mais aussi de rouler encore plus en profitant de press camps ou de trips. Et sur ce dernier point, difficile de faire mieux que le Durolux

World Tour : « Je suis parti l’été dernier en trip avec Suntour au Canada, aux US et en Europe pour faire des images et développer la Durolux, leur fourche de freeride, avec le reste du team. C’était une super expérience de vie : les mecs sont simples, ce n’est pas la compétitio­n, tout le monde est mis au même niveau et l’ambiance est bonne. Une semaine après ce trip, Garett Buehler m’a invité chez lui pour rouler avec Kurt Sorge, et ça, c’était carrément le rêve américain, haha ! » En France, il se trouve un compère de premier ordre en la personne d’Edgar Hans pour tourner des vidéos autour de chez lui : « C’est super de travailler avec Edgar maintenant ! C’est un mec ultra doué, aussi motivé que motivant d’ailleurs, vraiment sans lui je serais bien moins enthousias­te à l’idée de faire des vidéos. Faire des édits, il faut que ça reste du plaisir et pour ça c’est hyper important de bien s’entendre avec le mec avec qui tu bosses. Sinon, ça ne peut pas marcher sur le long terme » . Il ride aussi avec les meilleurs de la scène française, comme au Châtel Bike Festival où il fait équipe avec Anthony Rocci pour s’envoyer de belles lignes et de gros jumps devant la caméra de Thibaut Menu. Quand on lui demande à quel event il participer­ait si on lui donnait le choix, la réponse est claire : « Les vidéos et photos me vont bien pour l’instant. Évidemment, la Rampage m’a bien tenté il y a quelques années, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Au final, je me suis rendu compte que c’est beaucoup de stress et qu’en fait cela reste une compétitio­n. J’aimerais bien participer à une ou deux étapes des Fest Series,

mais il faut être invité et ce n’est pas simple, car tous les meilleurs rideurs sont là-bas » . Ses rideurs préférés du moment ? Ses amis proches, qui le surmotiven­t, Denis Enarson (rideur BMX, NDLR) ou un mec comme Nico Vink : « Il est ultra à l’aise sur son vélo et pour moi c’est la chose la plus importante. Il sait tout faire : rouler vite, se mettre de gros jumps tout en posant du style partout. Et puis, je crois que c’est surtout son état d’esprit qui me plait pardessus tout, car il ne se prend vraiment pas la tête et sait que faire du vélo, c’est juste du plaisir, point à la ligne » .

Cette année, le calendrier d’Eliott s’est encore densifié côté bike, même s’il n’est toujours pas pro. Entre le Press Camp SR Suntour en février, le Rux World Tour au printemps, un trip en août au Canada avec Vincent Tupin et un retour sur la Rampage pour aider Thomas Genon, le planning est serré et dédié 100 % au bike. Bien sûr, des sessions partout en France ou en Europe sont au programme, ainsi que d’autres vidéos avec Edgar. Pour tant, c’est encore son berceau du freeride dans le Valtin qui s’en sort avec le dernier mot : « J’ai beaucoup de chance d’habiter ici, le terrain de jeu est dingue ! Entre le Lac Blanc et La Bresse qui sont à 10 minutes de chez moi, les excellente­s pistes secrètes qu’on construit à droite à gauche avec les potes et les bosses de dirt shapées au-dessus de la maison, on est gâté. Je roule tous les jours, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il grêle ! Pour moi, les Vosges c’est un des meilleurs endroits au monde pour rouler ! Je travaille l’hiver en station et je roule le reste de l’année sur mon vélo. Pour l’instant, c’est comme ça que je vis ma passion » .

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 ??  ?? Shape, ride, eat. Repeat. La vie d’Eliott résumée en quatre mots.
Shape, ride, eat. Repeat. La vie d’Eliott résumée en quatre mots.
 ??  ?? En haut à gauche : avant, les freeriders buvaient une bière entre deux photos. Aujourd’hui ils s’envoient des pommes, une bien meilleure idée pour rouler un peu plus longtemps…
En haut à gauche : avant, les freeriders buvaient une bière entre deux photos. Aujourd’hui ils s’envoient des pommes, une bien meilleure idée pour rouler un peu plus longtemps…
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 ??  ?? Ci-dessus : table moto one foot, l’un des tricks favoris de l’animal.
Ci-dessus : table moto one foot, l’un des tricks favoris de l’animal.
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Ci-dessus : celle là nous a fait hésiter pour la couv… Ce n’est que reculer pour mieux sauter !

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