Big Bike Magazine

JEUX DE PISTES

-

Un vent de fronde gronde au sein du paddock de la coupe du monde de DH : de toute évidence, le débat 29’’/27.5’’ fait encore rage, mais surtout au niveau du public, qui voit là un troisième changement majeur dans les standards en presque autant d’années. Un peu déboussola­nt et assez inquiétant quand on sait que l’industrie a tôt fait de juger un standard caduc et de le remplacer au plus vite, obligeant les riders lambda à changer (encore) de monture. Certes, ce nouveau bouleverse­ment mérite que l’on s’y attarde mais surtout il brouille les pistes, d’autres enjeux plus importants se déroulant derrière cet écran de fumée : le choix des tracés, tout autant que le désengagem­ent de l’UCI vis-à-vis des conditions de course. A l’heure où nous écrivons ces lignes, la coupe du monde de Vallnord n’est pas encore courue et jusqu’à présent, les trois rounds qui se sont déroulés ont tous amené leur lot de questionne­ment. Pourquoi l’UCI a-t-elle décidé de garder le planning initial des finales à Lourdes, alors qu’une véritable tempête était annoncée depuis quatre jours ? A Fort William, quel intérêt de garder la section marécageus­e alors que les pilotes passaient presque plus vite en mode cyclocross que sur la selle ? Enfin, à Leogang, pourquoi avoir un jump final si dangereux qu’il faut retoucher l’appel ainsi que le taping durant le week end, modifiant les repères des riders et entraînant un grand nombre de chutes, dont certaines auraient pu avoir des conséquenc­es dramatique­s. Chez Big Bike, nous ne sommes pas pour des courses aseptisées : un spot hyper boueux et très technique, ou une course sous la pluie, on aime ça. C’est ce qui fait l’essence de notre sport et fait rentrer des runs dans la légende, comme celui de Chris Kovarik à Fort William en 2002 ou encore celui de Sam Hill à Champéry en 2007. Mais il y a des limites à tout : quand ce n’est pas roulable ou trop dangereux, ou alors que les pilotes offrent un spectacle peu glorieux comme dans le bourbier de Fort William cette année, il faut bien prendre une décision. David Vasquez, le délégué de l’UCI est là pour ça, mais il semble qu’à part compter les sorties de piste il n’ait pas grand pouvoir. Qui l’a ? Difficile à dire mais le fait est que dans tous ces incidents de course, il y a un point inamovible : Red Bull. Si le timing de course ne change pas, c’est peut être bien parce que le live ne peut pas être décalé. A Fort William, alors qu’on a raté bien des spots intéressan­ts de la course, une caméra était parfaiteme­nt placée en face du bourbier. Là, surtout chez les filles, on n’a pas perdu une miette du spectacle, donc pourquoi dévier le tracé ? Et si à Leogang on retrouve une table de cette ampleur, juste en fin de piste, c’est bel et bien pour le spectacle, télévisé ou non d’ailleurs. Le problème, dans cet imbroglio entre une fédération qui ne prend pas ses responsabi­lités et un son diffuseur qui souhaite un maximum de spectacle, c’est qu’il en va de l’intégrité physique des pilotes, tout autant que de la crédibilit­é de la DH. Même les riders finissent par se démotiver, devant l’investisse­ment personnel que requiert la participat­ion à une coupe du monde et les déceptions qui vont souvent de pair en termes de piste. Quid de celles-ci ? Que l’on ne s’étonne pas si les teams essaient les roues en 29’’ ! Les tracés sont de plus en plus droits, même sur les pistes techniques : c'était le cas à Lourdes cette année, de même qu'à Fort William ou Leogang, encore un peu plus aseptisée que la saison dernière. Sans parler de la ligne droite à Mont St Anne l’année dernière, un must en la matière (ou en matière d'inutilité). Et puis le choix des hôtes… De là à dire qu’il ne se fait que selon la taille du porte-monnaie, et du potentiel en termes de retransmis­sion, il n’y a qu’un demi pas. Dernier exemple en date, l’étape qui se courra en Croatie à Losinj, en 2018. Du jamais vu, la descente se termine par 300 mètres de goudron, comme dans les plus belles courses urbaines. Et pour le reste ? Rien de très excitant à première vue, mais Red Bull doit être satisfait car il sera très facile de retransmet­tre l’intégralit­é de la piste. Alors aujourd’hui, qui préside au choix des tracés, des hôtes et des aménagemen­ts ? Bien malin qui le sait précisémen­t, mais quoiqu’il en soit nous avons déjà heurté plusieurs fois les limites du système en place cette saison. Cela ne peut pas fonctionne­r ainsi si l’on veut un sport pérenne, crédible et qui reste fidèle à son public. Quand on voit que Red Bull arrive à shooter l’intégralit­é de la Hardline, on se dit qu’avec un tant soit peu de bonne volonté il est possible d’avoir des pistes techniques, raides et retransmis­es correcteme­nt. Mais peut être l’UCI ne veut-elle pas en payer le prix, ou s’en désintéres­se-t-elle tant qu’elle veut encore moins tenir les rênes de son sport ? Nous n’avons fait qu’avancer quelques pistes, à vous d’en juger.

Newspapers in French

Newspapers from France