Campagne Decoration

ÉRIC STAUB, SAUVEUR D’IMAGES

- PAR CLAIRE LAVILLE / PHOTOS PIERRE-JEAN VERGER / TEXTE ANNICK CHOLLAT

LÀ Épinal, les presses plus que centenaire­s défient l’ère digitale. Grâce à la ténacité d’un imprimeur, elles ont retrouvé leur éclat tout en maintenant la qualité et la richesse d’une production loin de se cantonner aux nostalgiqu­es des bons points.

’encre, Éric Staub est tombé dedans à sa naissance. Fils d’imprimeur, il grandit dans l’odeur du papier et l’amour de la chose écrite. À 27 ans, il rachète l’entreprise familiale. De son côté, l’Imagerie, créée en 1796 par Jean-Charles Pellerin, périclite et dépose le bilan en 1984. Cartiers et dominotier­s ne font plus recette. Pour sauver ce patrimoine unique, cinq dirigeants et cinquante-deux Vosgiens rassemblen­t leurs compétence­s et leurs écots ; Éric Staub est nommé à la tête de l’entreprise avec, pour mission, d’assainir les finances, conserver les salariés et restaurer la tradition imagière d’Épinal. Dès 1989, dessinateu­rs, peintres et illustrate­urs sont sollicités pour inventer chaque année une dizaine d’images. La vénérable institutio­n spinalienn­e reprend des couleurs. « Les images d’Épinal restent imprimées depuis deux siècles de la même façon, sur des machines classées aux Monuments historique­s », rappelle Éric Staub, appuyé sur la rutilante presse Gutenberg. Sa fascinatio­n reste intacte pour les deux aquatypes, qui mécanisent le coloriage, en posant les six couleurs, de la plus claire au noir. Inventées au début du XXe siècle, elles sont uniques au monde. « Elles colorient trois cent cinquante images par heure ! » La presse Heidelberg, elle, se réserve pour l’impression de textes raffinés, menu de fête ou faire-part de mariage. C’est toute l’histoire de l’imprimerie qui est racontée dans les salles claires de l’imposant bâtiment. Classée depuis 1986 aux Monuments historique­s, l’imagerie trône en juste place dans la Cité de l’Image, qu’elle partage avec le musée éponyme. Lors des journées du Patrimoine, une image réalisée par Godfroy Chakaï sera présentée : intitulée « Coulisses », elle est consacrée aux secrets de fabricatio­n de l’Imagerie. Loin des colonnes de chiffres, Éric Staub a-t-il une image fétiche ? Il lâche qu’« il y en a deux… Celle du mur de Berlin, parce qu’elle a, en 1989, donné un coup de fouet médiatique phénoménal à l’Imagerie à un moment où elle en avait bien besoin. » Et la seconde ? Il sourit : « La France championne du monde de football. » Ancien footballeu­r, Éric Staub sait que la balle est dans son camp. Imagerie d’Épinal, 42 bis, quai de Dogneville, 88000 Épinal. Tél. : 03 29 31 28 88. www.imagerie-epinal.com

AUX CÔTÉS D’UNE PRESSE GUTENBERG (à droite), un extrait des Contes Moraux (à gauche), courtes histoires humoristiq­ues. Les pigments, servant à la mise en couleur, sont mélangés dans des pots en grès. LES TECHNIQUES ANCIENNES se perpétuent, comme la lithograph­ie sur pierre calcaire (ci-contre à gauche), la mise en couleur, à l’aide de pochons bien ronds, autrefois en poils de sanglier (à droite) ou encore la xylographi­e, à partir d’une planche en bois fruitier gravée (en bas à droite, un Saint-Nicolas).

 ??  ?? GARDIEN DU TEMPLE, Éric Staub veille à la fois sur le fond d’ouvrages d’origine et sur l’enrichisse­ment des collection­s avec, chaque année, de nouvelles créations en lien avec l’actualité.
GARDIEN DU TEMPLE, Éric Staub veille à la fois sur le fond d’ouvrages d’origine et sur l’enrichisse­ment des collection­s avec, chaque année, de nouvelles créations en lien avec l’actualité.
 ??  ?? DANS LA BOUTIQUE, quelle image choisir ? L’horloge « Déclaratio­n d’amour » qui défie le temps ou la gravure du Chat botté, figure emblématiq­ue de l’Imagerie, imprimée à partir d’un bois gravé ?
DANS LA BOUTIQUE, quelle image choisir ? L’horloge « Déclaratio­n d’amour » qui défie le temps ou la gravure du Chat botté, figure emblématiq­ue de l’Imagerie, imprimée à partir d’un bois gravé ?
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