BOÎTES À BOUTONS
Dans une vieille ruelle de Dinan (22), Claude Le Guen tient un salon de thé aux allures de mercerie. Dentelle, taffetas, boutons meublent sa maison de poupée. Pour nous, elle dénoue le ruban rose de sa (très)
ancienne boîte de couture.
Le fil rouge de l’histoire commence en Angleterre. Il y a vingt ans, Claude Le Guen, alors étudiante, achète une boîte défraîchie à l’Armée du Salut. De retour chez elle, dans l’intimité de sa chambre mansardée, assise sur son couvre-lit, elle fait sauter le couvercle de son trésor… et découvre une ravissante collection de boutons en verre. Intriguée, la jeune fille se renseigne et remonte le fil du temps pour comprendre ces petits accessoires qui la fascinent. Les années passent. Claude pense de plus en plus à se lancer dans le commerce. De fil en aiguille, sa passion pour la mercerie ancienne la pousse à ouvrir une boutique à Dinan. Derrière le comptoir, elle accueille et conseille de drôles de clients : grands couturiers, costumières de cinéma, couturières de robes de mariée… Claude chine ses petits bonheurs chez les particuliers. « Acheter une boîte à boutons, c’est plonger dans les trésors de famille : dents de lait, médaille militaire… C’est toujours intéressant de découvrir ce qu’il y a dedans », confie-t-elle. Certaines pièces, témoins du temps, raconte l’histoire des merceries. Sur un vieux présentoir, Claude a classé ses trouvailles par matière, époque et couleur : des boutons en pierres précieuses portés par des princes de la Renaissance, d’autres datent du XIXe siècle ou des années 60. Céramique, nacre, acier, bois, écaille, graine, os, ivoire, coquillage, corail, papier mâché… La fabrication de ces boutons s’est arrêtée avec l’arrivée de la machine à laver ! « Dans les années 30, il y
avait beaucoup de boutons fantaisie en verre sur les vêtements d’enfants. Mais cela demandait trop d’entretien. Du coup, la production a été stoppée », raconte Claude.
DU COEUR À L’OUVRAGE
Si l’arrivée de la machine à laver a changé la vie des mères de famille, elle a aussi déclenché la guerre des boutons en verre et en céramique. Les mères devaient les retirer avant chaque lavage pour les recoudre après ! Pas toujours simple de trouver des matières qui résistent à l’épreuve de l’essorage. Parmi elles, le corozo finit par montrer sa bobine. Cette graine de palmier ressemble à l’ivoire, se taille et se teint facilement. Raffinée et lavable en machine, la nacre, même ancienne, s’avère assez solide. Le bois aussi… à condition qu’il ne soit pas peint. Enfin, la caséine (très résistante) et ses dérivés, Bakélite et Galalithe, donnent de bons résultats. Bref, le choix demeure assez restreint et très vite les matières synthétiques dament le pion aux boutons trop fragiles et aux petits sujets trop précieux. Claude séduit aussi les restaurateurs de costumes en quête de fils anciens pour leur qualité et certaines couleurs exceptionnelles difficiles à trouver aujourd’hui. Quelques marques existent toujours mais elles ont taillé dans leur gamme. « Gütermann recensait 1 700 couleurs dans les années 30 contre 400 aujourd’hui ! » regrette la chef de file des couturières. Du coup, elle collectionne à l’intérieur d'anciens bocaux à bonbons des bobines de fils colorés en soie. Dans les années 30, ils servaient à confectionner des boutonnières à la main. Sans oublier les boîtes à couture en tissu décorées de roses. Elles ont fleuri les rayons des grands magasins de 1920 à 1950. Aujourd’hui, avec l’arrivée de l’Internet, dame Couture a pris du galon et commercialise sa ligne de mercerie ancienne sous la marque « Bleu lin et Rouge griotte ». Et a transformé sa boutique de Dinan en salon de thé. Maison Bleu lin. 9, rue du Petit Fort. 22100 Dinan. Tél. : 02 96 85 05 87.
ÉCLOSION DE BOUTONS en céramique piqués sur une boîte de couture en tissu. Le comble du chic dans les années 40.