L’ALCHIMIE DES JOURS HEUREUX
La cristallerie traverse le temps sans prendre une ride. Il suffit d’admirer les vitrines de Christian, antiquaire à Vincennes, pour s’en convaincre. Collectionneurs ou amateurs de belles choses, laissez-vous charmer par une touche de fragilité.
Dans une rue commerçante de Vincennes existe une boutique incontournable pour celui qui souhaite offrir un cadeau de mariage raffiné, compléter un service ou retrouver une pièce rare. Après avoir été représentant pour des marques de service de table, Christian a changé de voie en se spécialisant dans le cristal ancien. Mais pas n’importe lequel : le cristal français du XIXe et du XXe siècle. Comme le verre, il est composé de sable et de potasse mais avec un petit plus qui lui donne toute sa magie : le plomb. Il a inspiré de nombreux tailleurs qui l’ont décliné en chandeliers, carafes, verres, drageoirs, bocaux, corbeilles… Mais le verre à boire reste le plus répandu. Pour la petite histoire, il est bon de rappeler que jusqu’au milieu du XVIe siècle, on n’en disposait que d’un seul pour tout le repas et que, jusqu’à la Révolution française, ils n’étaient pas placés sur la table. Un serviteur apportait à celui qui le demandait un verre rempli. Une fois vidé, il était mis à rafraîchir avant d’être apporté à un autre convive. La verrerie française a connu son apogée fin XIXe début XXe siècle, portée par des cristalleries de prestige : Baccarat, Daum, Saint-Louis… Elles se sont installées principalement dans l’Est de la France où il y avait de la potasse et du bois pour chauffer les fours, Saint-Louis en Moselle, Daum à Nancy, Baccarat en Meurthe-et-Moselle. La production s’est aussi intensifiée avec l’industrialisation et l’engouement pour les arts de la table, à la fin du XIXe siècle. « Je suis fasciné par la beauté du travail des tailleurs de verre de cette époque. D’ailleurs, certains modèles ont nécessité des heures
de travail. Seuls les anciens savent encore les faire, explique Christian. Il faut perpétuer leur savoir-faire. La cristallerie Saint-Louis a embauché l’année dernière tous les élèves qui sortaient de l’école de tailleurs de verre Jean-Monnet… même s’il leur faudra dix ans de pratique du métier pour sortir du lot. Baccarat forme également les jeunes. Ce secteur ne connaît pas la crise.» Le cristal se taille plus facilement que le verre et permet aux artisans verriers de réaliser des motifs d’une grande richesse. Tous les modèles sont déposés sur catalogue et, même si les cristalleries se sont copiées dans le passé, il y a toujours des différences. Plusieurs techniques sont utilisées : le verre moulé, le verre taillé à la meule qui permet d’obtenir des côtes, des facettes et des biseaux, le verre gravé à la roue ou à l’acide chimique et le verre peint à l’or. Ces procédés peuvent se combiner. « La couleur revient à la mode : les bleus, les jaunes, les rouges », remarque l’antiquaire de la cristallerie Schornsteinfeger. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, beaucoup de jeunes achètent du cristal ancien. Ils veulent des beaux verres que l’on ne trouve pas tous les jours. Il est aussi plus intéressant d’acheter ce type de service car le choix est beaucoup plus large. Actuellement, les cristalleries réalisent entre 20 et 30 modèles. Autrefois, elles en sortaient 70. Les prix sont aussi plus attractifs que ceux du neuf. « Coiffées d’un bouchon finement ouvragé, les carafes sont toujours du plus bel effet sur une table et mettent la robe du vin en valeur, assure Christian. Regroupées, leurs formes variées, ciselées ou élancées donnent un ensemble très esthétique.» N’hésitez pas à dépareiller les verres et à jouer avec les couleurs. Détournez-les en soliflore ou en coupe à bijoux. Pour reconnaître le cristal, examinez son éclat et faitesle chanter en lui donnant un léger coup d’ongle. Attention, il n’aime pas les changements de température. Délicat !