LE BOIS DE RÉCUPÉRATION EST PARTOUT LE ROI, MÊME EN COULISSES
c’est l’histoire d’un homme doté d’une âme d’artiste. Paul aime le bois – les boiseries anciennes, en particulier –, les belles rencontres, et surtout chiner. Chez son ami Jean-Vianney Dewailly d’Architecture & Matériaux, spécialiste de la préservation de pièces destinées à la démolition, ou encore chez Marc Léman et Éric Maçon, dénicheurs hors pair, il repère d’un oeil averti « les jolies choses qui ont une histoire ». Il a longtemps conservé religieusement ses trouvailles, certain d’en faire un jour quelque chose, imaginant la maison de ses rêves où chacune d’elles trouverait sa place. Il y a deux ans, ce jour arrive enfin. Non loin des plages du Nord, la maison sera bâtie sur un terrain que Paul affectionne depuis toujours, où sa famille et lui possèdent des souvenirs. Entièrement ouverte sur la forêt, elle invitera en ses murs la nature dont Paul ne peut se passer. Il couche sur papier ses idées, esquissant sa vision d’architecture. C’est à ce moment-là qu’il rencontre François Delesalle, «metteur en scène de plans grandeur nature», comme ce dernier aime à s’appeler. Le concept révolutionnaire qu’il développe dans son agence Les Pieds dans le plan consiste à «réaliser des maquettes d’intérieurs à l’échelle 1» en une ou deux journées, un vrai jeu de construction qui permet de se promener dans sa future maison, avant même qu’elle ne soit bâtie ! Grâce à ce procédé, Paul perfectionne son projet, affine ses perspectives, élargit ou déplace une fenêtre pour mieux voir la forêt. « Les ouvertures sont comme des cadres qui mettent en valeur la vue», expliquet-il. Il perce des fenêtres dans le toit afin de faire entrer les rayons du coucher de soleil ou la lumière de la lune. Il agrandit ou rétrécit certaines pièces, calcule le volume et choisit l’emplacement des futurs meubles... Un gain de temps qui rend la préparation du chantier plus sereine. Bref, rien n’est laissé au hasard, et Paul a désormais hâte de voir sa maison se concrétiser! Paul croise alors Jean-François Wuillai, sculpteur et ébéniste. Une autre amitié commence. L’amour des beaux objets, du travail bien pensé et bien fait les réunit. Tout comme l’envie de donner une seconde chance aux matériaux de récupération. LE CHARME DES IMPERFECTIONS Il s’installe sur le chantier plusieurs mois pour se familiariser avec les trésors de Paul. Les boiseries sauvées d’une maison vouée à la démolition orneront l’entrée. En douze jours, ils conçoivent, jusqu’au moindre détail, le salon avec son imposante cheminée surmontée d’une tête d’élan. Partageant l’idée que «le charme est dans le défaut», ils imaginent pour la salle à manger d’été une pièce entièrement en lambris de récupération, comme un patchwork de vieux bois, encadrée de deux arches en bois rouge venant d’Égypte. Jean-François Wuillai possède aussi un remarquable savoirfaire de coloriste. À base de caséine, ses couleurs sont d’un mat incroyable et passent, en fonction de la lumière, de l’anthracite au prune à reflets bleus. Sa palette de tons denses lui a été inspirée par les toiles de la mère de Paul qui habillent toutes les pièces. La cuisine, tour à tour bleue, verte ou grise, prend les nuances de la Manche, toute proche. La magie des talents conjugués opère et, comme la mer, la maison semble être là depuis toujours.